Mes lèvres sont de la couleur de mon pull.
Framboise écrasée.
Je pourrais dire rose/rouge, mais framboise écrasée ça fait mieux.
Ça fait couleur d’écharpe dans le catalogue de La Redoute.

Enfin bref, mes lèvres sont framboise écrasée parce que –chouette- je viens de me découvrir une nouvelle allergie.
À la noisette.
J’ai l’impression d’avoir les amygdales comme des pastèques et la bouche comme un volcan.
Mais bon, d’ici quelques minutes ça va se dégonfler et l’épisode noisette de ma vie sera passé.
Heureusement mon allergie ne touche que les noisettes fraîches.
Je ne me voyais pas bannir le nutella de mon alimentation.

Toujours pas de nouvelles de lui.

Demain matin nous allons faire de grandes courses avec Garfu.
Mon cousin racaille sera là.
Pourquoi à votre avis ?
Parce que sa mère, la sœur de mon père –donc ma tante- qui est aussi l’avocate de mes parents pour le procès, a des affaires à régler à propos du procès.
ILS ont rendez-vous demain soir avec elle chez un autre avocat –pourquoi ? alors qu’elle est déjà sensée être l’avocate, je n’y comprends rien à ces histoires et j’essaye de ne pas trop chercher à comprendre…-.
Toute la nuit j’ai rêvé que j’avais le droit de parler pendant cinq minutes lors du procès.
Bien sûr je n’avais pas d’arguments puisque de toutes façons ma parole n’a aucun poids. Mais les quelques mots avec lesquels j’exprimais l’injustice et la cruauté de l’affaire étaient vraiment bien reliés entre eux. Je me sentais presque descendante de Cicéron ou de l’un des gus dont on analyse les discours en cours de Latin.

Je suis allée changer les verres de mes lunettes puisque ma vue a encore beaucoup baissé. Je suis allée me faire faire une carte de train mais la dame de la SNCF était une grosse poufiasse et m’a profondément énervée. J’ai acheté mon ELLE et aussi BIBA dans lequel il y avait un article sur le fait d’emménager avec son amoureux. J’ai bien sûr pensé à toi Aphone.
Je suis allée goûter avec ma sœur et ma mère dans notre salon de thé fétiche –que j’ai découvert grâce à vous Garfu et Ninou-. J’ai acheté un trieur, des feuilles grands carreaux de toutes les couleurs, des stylos bleus, verts, rouges et noirs et des pochettes pour ranger différents papiers. Et aussi un feutre noir. Ce feutre qu’on adore tellement avec maman. Celui qui écrit gros. J’ai encore pensé à elle bien sûr. Toujours. Plus qu’une semaine avant de revoir son petit visage. J’ai tellement hâte.

Peut-être que ma sœur va l’avoir comme prof principale. Ou simplement comme prof de français. Je n’arrive pas trop à savoir ce que cette idée provoque chez moi.
Je crois que même si c’est ma sœur et que je partage un minimum avec elle, même si on se ressemble beaucoup, nous ne sommes quand même pas des copies conformes, et ce que je partage avec maman, elle ne le partagera jamais avec elle.
Maman n’est pas la mère de ma sœur. Maman est ma maman. Et la maman de Camille et de Paul. Nous sommes ses trois enfants. Et j’aime quand maman me dit que je suis sa fille. Cela signifie pour moi que ce n’est pas juste un délire qui ne dépasse pas mon univers à moi. Il relie celui de maman. Et ce fil qui nous unit est indestructible. Et cela me rassure. Me réconforte. Car quand je me sens abandonnée, orpheline, je me dis que j’ai ça, que j’ai maman. Même si elle est aux abonnés absents.

Me contenter de ce que j’ai.
Voilà quelque chose de difficile mais à laquelle malgré tout j’essaie de me plier.
C’est bien de se contenter de ce qu’on a.
Mais je crois aussi qu’il faut savoir se battre pour avoir ce qu’on veut.