Drôle de journée.
Alternance incessante de joie et de peine.

À 9h30 ce matin, un taxi klaxonne et m'arrache ma Rosa.

De 10h à 11h je me vautre sur le canapé en regardant des séries genre guimauve avec des gens de mon âge qui sortent avec des gens de mon âge, et qui sont très amoureux.
C'est un peu honteux comme plaisir mais ça vide la tête.

À 12h j'arrive à la station en même temps que le métro, je vais rejoindre ma mère pour manger. Il y a aussi sa copine Hélène de l'autre jour.
Elle s'est mariée le week-end dernier.
Elle a l'air heureuse, ses yeux pétillent.
Elle est déchaînée.
On rit comme des tordues.
On parle du Prince.
Ma mère rigole mais en même temps elle a l'air très sérieuse lorsqu'elle dit
Il est plutôt pas mal, il a 41 ans, il n'est pas trop entreprenant, il est intelligent, gentil ... Moi ça me va, après, le reste, c'est pas mes oignons
À 13H30 elle retourne à son bureau.
Je reste avec Hélène à la terrasse venteuse.
On parle encore un peu de lui, de l'année prochaine.
On va au comptoir pour payer.
Le serveur nous donne trois carambars à la barbapapa.

On retourne au bureau de ma mère pour lui donner son carambar.
Avant d'entrer, Hélène me dit "J'adore ta mère. Toi aussi je t'adore"
Alors je lui dis "Oh c'est gentil... Moi aussi je t'adore"
Alors on sautille comme des gamines en disant "c'est trop bien on s'adore !!".

Arrivées au bureau on se met devant l'écran de l'ordi de ma mère et on se prend en photo toutes les deux avec la cam.

Dans le métro du retour je croise Florent.
Je lui demande s'il veut venir chez moi pour qu'on enregistre sa voix pour le film.
Il accepte.
Avant d'enregistrer, je lui fais découvrir mon logiciel photomaton qui déforme la tête.
On se paye un fou-rire pendant un quart d'heure.

Mon portable sonne.
C'est Garfu qui m'annonce qu'on a l'appartement qu'on voulait !
À l'intérieur de moi ça explose de joie...
Bien plus fort que lorsque j'ai vu "admis mention AB" à côté de mon nom le 2 juillet dernier.

Nicolas vient chercher Florent à la maison.
Il propose de me déposer quelque part.
Je dois rejoindre ma mère chez Afflelou alors j'accepte.

Je choisis une paire de lunettes de soleil toutes simples.
Le principal c'est qu'elle soit à ma vue.

J'achète un sablé.
J'ai trop faim.
Comme si mon estomac avait des contractions.
J'ai jamais eu mal comme ça de faim.

On rentre en passant par la rue du prince.
On essaye de deviner quel est son balcon.

Quand on rentre le téléphone sonne.
Je décroche.
Ma grand-mère m'annonce qu'elle est aux urgences avec mon grand-père et mon oncle qui les a conduits jusque là.
Je peine à déglutir.
C'est peut-être mieux comme ça.
Au moins elle pourra dormir un peu et ce sera moins angoissant pour tout le monde.

Mon père, évidemment, ne se réjouit de rien, surtout pas du fait qu'on ait l'appartement qui me plaisait le plus.
J'ai l'impression que plus je suis contente, plus ça l'énerve.
J'ai l'impression qu'il ne me supporte plus parce que je lui fais dépenser de l'argent.
J'ai aussi l'impression que le fait que je sache très bien que la photo de foufoune en train de s'enfourner un gode à paillettes dans le gosier qui était, par je ne sais quel hasard, dans l'ordinateur, est là uniquement par sa faute et que ça le met mal à l'aise.
Il a nié bien sûr.
En riant pour cacher sa gêne et ce qui trottait dans son cerveau, j'imagine quelque chose du genre Merde, putain, j'ai pas fait attention, ça s'est téléchargé...
Il efface toujours l'historique après être allé sur internet.
Une fois il ne l'a pas fait, il avait dû oublié, et je suis tombée sur des photos à gerber.
Tout à l'heure il m'a demandé si j'avais pris le modem.
Je lui ai dit que oui, et que pourquoi, il voulait aller sur internet ?
Il a dit que ben euh il aimerait bien pouvoir y aller le soir.
Ingrat. Il ne va jamais sur l'ordinateur ici, juste pour combler ses fantasmes de pauvre type avec des photos de pouffiasses décolorées en string en train de sucer la queue d'un grand noir baraqué.
Alors si tout d'un coup il veut y aller, haha, ça me fait bien rire, c'est juste pour m'emmerder.
D'ailleurs il ne fait que ça, m'emmerder.
Et emmerder le monde.
Il déteste le monde entier.
Il critique tout le temps tout le monde.
Et il s'étonne après que plus personne ne veuille venir ici.
Les gens le sentent qu'il les détestent.
Je m'étonne parfois de ne pas avoir d'amis à inviter, avec qui sortir...
Mais je ne devrais pas m'étonner.

Il les repousse.
À chaque fois que quelqu'un passe le seuil de la porte de la maison, lorsqu'il ressort, il a un costume pour l'hiver, que dis-je, une garde-robe pour les 50 années à venir.

Alors vous analyserez peut-être la chose qu'étant donné le minable de père que j'ai, il soit normal que je cherche un homme comme le prince pour combler.

Sûrement.
Mais pour une fois, j'en ai strictement rien à foutre de ces significations freudiennes, moi ce que je veux, c'est aimer le prince, comme il le mérite.
Et que, si possible, ce soit réciproque.