Les lumières rouges étaient hypnotisantes.
J'adore les villes la nuit.

Maintenant, quand je sors du cours de Droit à 18h, la ville est déjà plongée dans l'obscurité.
Alors je quitte le monde, éteint, de l'IUT, pour rejoindre le monde encore lumineux, qui se trouve de l'autre côté de la passerelle.
Je m'arrêterais bien.
Je voudrais tout prendre en photo.
Les lumières des enseignes. Rouges. Vertes. Bleues. Jaunes.
Qui se reflètent dans l'eau du bassin.

J'ai la bande-originale de Marie Antoinette qui martèle ma tête et mon coeur.
L'impression de vivre quelque chose d'exceptionnel.
Même s'il n'y a pas de témoin.
Et aucun moyen de nourrir la mémoire collective.

Suis-je trop folle pour lui ?

Je regarde trop de films.
Trop de films dans lesquels les histoires d'amour se nouent. Avec tellement de facilité.

J'ai de plus en plus envie de sauter le pas.
Mais il se fait plus distant.
Si je ne prends pas de nouvelles, il n'en prend plus non plus.

Je pense toujours autant à lui, peut-être avec un peu moins d'intensité.

Mais j'ai envie pourtant. J'ai envie qu'on essaye.

Alors ça me taraude. D'heure en heure. De jour en jour.
Le coeur qui bat trop fort et l'envie furieuse de l'appeler.
Et puis j'entendrais sa voix calme.
Alors le rythme effréné des battements de mon coeur se calmerait.
Et la raison me refroidirait la tête.

Lui dire aurevoir. Dans un café. Au coin d'une rue.
Prendre son visage entre mes mains.
Caresser ses joues et l'embrasser. Sur les lèvres.

Oh je voudrais tellement qu'il lise tout ça. En secret.
Qu'il sache. Qu'il ait les moyens de comprendre.

Je ne sais pas si c'est pareil pour vous, mais il y a des jours où quels que soient les vêtements que je porte, je me trouve hideuse.
Et d'autres où, sans vraiment faire attention, je ne suis pas si mal que ça. Je me plairais presque. Même si je me sens zombie pâle, j'ai quelque chose.

Jamais je ne serai comme ces filles qui savent qu'elles sont belles.
Qui en jouent.
Quoi qu'elles fassent elles sont sublimes.
Zéro défaut.

Ma crème dépilatoire fétiche me fait faux-bond.
J'ai un million de petits boutons sur les mollets qui me grattent à en perdre la tête.

Dans le fond de mon lit, je finis le petit pot de crème de marrons.
J'ai l'univers de Sofia Coppola dans la tête.
Avant de connaître ses réalisations, j'étais déjà comme ça.

Rose. Soleil roux. Petits détails. Autocollants. Paillettes. Sourire. Obsession. Passion. Tendresse. Drame. Attention. Sucrée. Amoureuse.

Et puis...
Et puis on vient de regarder Virgin Suicides, pour la énième fois aussi.
Et ça me plonge dans un état second.
Je voudrais tellement ne pouvoir vivre que de poésie.

J'aurais aimé qu'il pleuve beaucoup aujourd'hui.
Que je puisse déambuler dans les rues larges sous mon immense parapluie arc-en-ciel.
Un petit coin de parapluie... Contre un coin de paradis...
Quand je l'ouvre, même quand il n'y a pas de vent, j'ai l'impression que je vais m'envoler.
Mary Poppins.
Quand je le tiens, j'ai l'impression que c'est une baguette magique que j'ai avec moi.

Est-ce l'amour d'Amina ? Ces couleurs éclatantes dans la grisaille humide ?
Ou bien le simple fait que mon prof d'anglais est trop beau et que son regard de séducteur me fait comme si des roses s'écrasaient sur mes joues ?

Peu importe.
Et soudain j'entends une pluie et un vent furieux s'emparer de la cour sur laquelle donne ma fenêtre.
Ma tringle et mes rideaux sont toujours par terre.

J'ai cette photo de lui à côté de moi.
Avec son petit air rêveur que j'ai colorié en rose.

Demain en me réveillant, je vais souffrir.
Je ne réussirai pas à ouvrir les yeux.
Toute la journée je vais me battre contre le sommeil.

Oh j'ai peur de craquer.
Peur de tout gâcher.

Et surtout trop peur de me confronter à la réalité.
Jamais je n'ai plu à un homme.
Jamais.

Et si une malédiction s'acharnait ?
Et s'il avait peur ?
Je voudrais savoir.

Il faut que je choisisse entre doute et désillusion.

Parle-moi de légèreté.
Fais-moi tourner la tête...
Fais-moi croire que la vie n'est que poésie et amour.
Et quitte à mentir, mens-moi.
La vérité est un concept bien trop abstrait pour moi.

La vérité est comme moi.
Elle ne veut rien dire.

Je voudrais me noyer dans le rose.