Et vlan, comme une grande claque dans la gueule, je sens que tout s'arrange.

J'ai faim.
Quand je dis ça à ma grand-mère, elle répond toujours que c'est "une bonne maladie".
Alors comme je crois aveuglément en toutes les paroles de mes grands-parents que je vénère comme s'ils étaient deux grands sages, je me dis que c'est bon signe.
Que c'est le début du mieux.

Quand j'ai écrit ici lundi soir, je n'avais vraiment pas le moral. J'avais l'impression que ça ne s'arrêterait jamais.
Le lendemain, un malaise m'a envahi vers 10h, et ne m'a pas quittée depuis.
Mais cette fois c'était bien physique.
J'ai envoyé un e-mail à mon trop-beau-prof-d'anglais pour lui dire que j'étais rentrée chez moi.
Il m'a répondu "Marie, Hope you will get better soon" et ça m'a réjouie.
Je suis allée voir un médecin, une doctoresse qui avait tout l'air d'un caniche qui se serait pris un seau d'eau.
Et qui, en plus, n'était pas très sympa.
Elle m'a prescrit des comprimés contre la nausée en me disant que ça ne servirait à rien.
Le lendemain, plus de nausée, mais toujours mal de ventre à se tirer une balle, et dégoût devant n'importe quel plat.
J'ai déjeuné deux fois d'un bon Coca, pas light, pas zéro. Et ça m'a réjouie aussi.

À 14h39 j'étais sur le quai 1 de la gare, et je sautais dans les bras de ma copine Sophie, dont il faudra que je vous parle un jour.
Nous sommes allées acheter tous les ingrédients pour faire un méga fondant au chocolat pour les 39 ans de Maman.
On a fait le gâteau, on a parlé de ces choses dont je ne peux parler qu'avec elle (et avec toi Coruscante), et elle a fumé quelques cigarettes sur le balcon.
Moi je léchais la casserole à l'aide de la cuillère en bois.
Après j'avais envie de dégueuler, mais c'était pas grave, c'était un peu la fête.
J'avais atrocement mal au ventre, mais y'avait un truc dans l'air qui faisait que ça ne pouvait pas venir gâcher ma joie.

Et puis on a parlé du Prince.
Je lui ai dit que je le trouvais bizarre, qu'il avait été assez froid avec moi samedi, et puis qu'il ne répondait plus jamais à mes mails et autres textos.
Alors elle m'a raconté quelques petites anecdotes sur les cours de maths et sur ses difficultés.

Et puis soudain, elle a ajouté, comme si c'était évident, habituel, et ça l'est sûrement pour tous ses élèves mais plus pour moi, que dès 9h du matin, il sentait l'alcool.
Ça m'a fichu un frisson, parce depuis mai, depuis que je me suis vraiment rapprochée de lui, je n'ai presque plus jamais senti cette odeur là.
Sauf bien sûr quand on allait boire un café, et qu'il prenait une pression et moi un coca.
Mais ça c'était différent.

Après le frisson, une cogitation intense de quelques secondes m'a presque soulagée.
Enfin qui m'a soulagée sur tout ce qui m'effrayait, sale petite égoïste que je suis.
Du style : il ne m'aimera jamais, je suis trop moche, il n'en a rien à faire de moi, etc.
Alors j'ai compris que ce n'était pas vraiment moi le problème.
Que c'était lui qui n'allait pas bien.
Mon Prince d'amour qui noie ses soucis dans l'alcool.
Et je me suis sentie une force de wonder-woman, même en étant pliée en deux de douleur.

J'ai le temps putain. J'ai le temps. Il est encore temps de le sauver. Encore temps d'essayer. Je l'aime, c'est lui que j'aime putain, c'est lui que je veux. C'est de nous que je veux. De nous deux. De lui et de moi. Et quoi qu'on me dise, je ferai tout pour y arriver.

Vers 22h30, on en était au montage vidéo de toutes nos conneries, et Sophie s'est soudain mise à ronfler.

Faut que je vous dise, parce que j'ai l'impression de vous engluer dans le flou (pour ceux qui ne savent pas, parce qu'en fait la plupart de mes lecteurs la connaissent) que ma coloc', Garfu, s'appelle aussi Sophie.
Mais ici je l'appelle jamais Sophie parce que, forcément, il y a l'autre Sophie.
Et puis qu'en fait, je préfère donner des surnoms aux gens. Vous l'aurez remarqué.
L'autre Sophie a un surnom, mais ce n'est pas moi qui lui ait donné et il est trop trop officiel pour apparaître ici.

Moi j'ai fini le montage pour Maman, j'ai fait mon exposé de sciences, et vers minuit et demi, j'ai éteint la lumière.

Le réveil a sonné à 5h50.
J'ai réveillé Sophie, on a mis vingt minutes à sortir du lit, dix à comprendre comment on faisait du café et puis je l'ai accompagnée, en pyjama, jusqu'au bout de la rue, de là où on voit la gare.
Pour pas qu'elle se paume.

Je suis remontée, me suis étalée sur la table de la cuisine pendant que Garfu prenait son petit-déjeuner, et puis je suis allée me recoucher.
Vers 7h30, vu comment mon ventre me tiraillait, j'ai envoyé un mail à mon prof d'espagnol pour lui dire que je restais chez moi, et il m'a répondu Gracias por el mensaje. Que recuperes pronto. Nos vemos la semana proxima.
Et ça m'a réjouie.
Puis j'ai écrit à mon prof de sciences, qui ne m'a pas répondu, mais bon, maintenant j'ai l'habitude.

J'ai dormi, intensément, profondément, d'un sommeil presque blanc.
J'ai juste fait un sale petit rêve où ma mère frimait parce qu'elle avait eu Sylvaine au téléphone et qu'elle lui disait que ma soeur était bien plus drôle et bien plus sympa que moi. Mais il ne m'a pas vraiment poursuivie comme le font les rêves d'habitude.
Et puis j'ai été réveillée par un coup de fil de ma mère, justement, qui me demandait comment je me sentais.
J'étais un peu dans les vappes, j'avais une douleur au ventre qui me donnait presque envie de m'en tirer une.
Alors je suis allée dans la cuisine, j'ai mangé un petit cake pour que l'arrivée de l'ibuprofène dans mon estomac ne ressemble pas à celle d'un mentos dans un coca, et j'ai regardé Atame ! le premier film d'Almodovar que j'ai vu, il y a trois ans et demi de cela.
Version originale, sous-titré anglais. J'ai tout compris. Je me suis délectée.
Et ça m'a réjouie.

J'avais dû m'éloigner un peu de moi.
Et me replonger dans l'une des choses que j'aime le plus au monde m'a redonné un coup de fouet, de punch, enfin de ce que vous voudrez.

À la fin du film, j'ai chanté, en même temps que Lola et Ricky, Resistiré ! cette chanson qu'on écoutait, avec Elle, peau contre peau, lèvres contre lèvres, mains contre mains. Mujer contra mujer.
Celle qu'on écoutait pendant ces instants de folie, de déraison, de chaleur, et d'interdit.

Mais je n'ai pas pleuré.
Ça ne m'a pas brûlé l'estomac.
Ni déchiré le coeur.
Mais parfois ça revient.

Demain ça fera quatre ans que Sylvaine est entrée dans la salle des fêtes d'Epône.
Et que la douceur de son regard s'est emparée de mon coeur.

La discussion avec Sophie a évidemment réveillé cette grande partie de moi qui aime les femmes, qui ne peut rien être sans elles. Qui a du mal à ne pas m'attendrir devant la beauté d'une femme.
Mais je me suis rendue vraiment compte que j'étais entière. Et surtout entièrement amoureuse.
Car je n'aime pas les hommes. Jamais je ne me pâme devant un acteur. Devant des muscles. Devant un mec dans la rue.
Mais j'aime le Prince.

Et c'est lui que je veux.

Nous avons discuté pendant une heure au téléphone tout à l'heure.
Il avait l'air bien.
Il y avait presque un sourire dans sa voix.
Et je l'ai entendu rire.
C'était bon.
Comme si un rayon de soleil bien chaud venait s'étendre sur mon corps endolori et glacé.

Et ça me réjouirait presque.