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Bientôt


Je crois que ce qui me chagrine le plus, c'est de terminer dans l'oubli.
De finir sur une note pas vraiment positive.
Incompréhension. Silence. Douleur.

L'incident d'hier un peu effacé, je me suis levée en me disant que ça ne pouvait qu'aller mieux.

Quand je me suis installée derrière mon petit bureau miteux, sur ma chaise inconfortable, j'ai eu l'envie d'écrire un mail à Clooney. Pour demander de ses nouvelles. Rien à perdre après tout.
Je me suis ravisée, mais cette perspective m'a un peu fait palpiter, et j'ai eu l'impression de revivre, un tout petit peu. Et ça m'a soulagée.

J'ai assisté à la conférence de rédaction.
Je regardais avec délice tout ce petit monde choisir ses sujets d'articles, se raconter des blagues entre deux, débattre plus ou moins violemment sur un sujet.
J'étais observatrice et j'aimais ça.
Et puis H s'est tourné vers moi et m'a demandé :
-Et toi Marie, tu aimerais peut-être faire quelque chose ?
J'ai bégayé un truc genre :
-Euhhhh j'sais paaas...

Ils m'ont donné trois articles.
Épilepsie. Vide-grenier. Prévention Sida.
Pour la semaine prochaine.
Ça m'a fait super peur.

Je suis descendue pour déjeuner avec Julien.
Avant de remonter, on s'est assis dans un coin de la place de la mairie, devant les fontaines.
Je me suis laissée saouler par le bruit de l'eau.
Ça m'a détendue.

Quand je suis revenue, Guillemette était là avec Lucie.
Elle cherchait la définition du mot féminisme, cherchant des arguments pour contrer ce qu'avait dit H le matin-même.
On s'est mis à discuter à ce sujet.
Les trois seules filles du magazine, toutes seules dans un même bureau... ça dépotait.

Après avoir répondu à un mail de Garfu, j'ai décidé de vraiment écrire un mail à Clooney.
Quand j'ai cliqué sur envoyer, j'ai ressenti cette petite palpitation, pas celle de l'amour, non, rien à voir.
Celle de quand tu sais que tu es en train d'essayer, intentionnellement, de mettre du piment dans ta vie.

En fait j'étais désespérement à la recherche de quelque chose qui me ferait sourire.
Quelque chose d'un peu rare. D'un peu nouveau.

Et ça n'a pas manqué.
Mon angoisse vis-à-vis des articles est partie, et j'ai reçu sa réponse.
Un bon mail bien long, avec des tournures bien compliquées, avec plein de références de trucs intéressants à lire, avec plein de petits détails de sa vie, avec plein de mots jubilatoires qui te feraient presque éclater de rire quand tu les lis.
Comme je l'écrivais à Garfu : au moins lui, quand on lui écrit, il répond...

J'ai peiné à lui répondre.
J'essayais de travailler et puis je me marrais en silence en repensant à ses mots.
Et puis Nino, le journaliste, a débarqué en m'annonçant que le rendez-vous de demain avec le rugbyman était décalé à aujourd'hui 16h.
J'ai encore jubilé, et on est parti vers 15h30, lui, moi et Nicolas, le photographe stagiaire.
L'autre Nicolas, celui qui me donne toutes les brèves à écrire, était de mauvaise humeur.
Il est adorable habituellement. Il sourit rarement mais quand il sourit, c'est un vrai beau sourire.
Mais là, comme il boucle cette semaine et que les journalistes sont méga à la bourre, il enrage.

Je me suis donc enfuie dans la twingo jaune, avec Nico et Nino.
Et c'était trop chouette.

En fait, Nino est très stressé.
Cela pourrait être insupportable, mais c'est touchant.
Il me fait penser à Sylvaine. Il parle comme elle. Et il a un peu ce même regard.
Il est moins beau forcément, parce qu'il n'est pas une femme.
Mais même avec le plus gros problème du monde, il semble toujours être souriant et plein d'humour.
Il a les ongles rongés, pire que moi. Et ses doigts semblent être aussi victimes des attaques ravageuses de ses dents.
Son visage est toujours baigné d'une légère humidité. Stress ou émotion. Ou les deux.
Cela pourrait être repoussant. Mais ça ne l'est pas.

Cette petite escapade jusqu'au stade, surtout pour interviewer un joueur argentin au regard et aux longs cils de fille, m'a bien divertie.
Ça faisait du bien de respirer l'odeur de la boue fraîche, de la terre un peu trop désaltérée.
Ça faisait du bien d'être dans une voiture avec des gens simples et drôles, et de rouler vite.

Je suis retournée quelques minutes m'asseoir à quelques mètres de la mauvaise humeur de Nicolas.
J'ai essayé tant bien que mal de répondre à Clooney, sans vraiment réussir, mais j'ai quand même envoyé.

Quand je me suis levée, Nicolas a essayé de faire un peu d'humour, sans sourire, en me disant que je n'allais sûrement pas partir, qu'il fallait que je travaille encore.
Il était 17h22 (je termine habituellement à 17h).
J'ai eu envie de lui répliquer que je n'étais pas payée et que ma journée était terminée, alors que je n'avais pas vraiment de raison de rester encore. Mais je ne l'ai pas fait, parce que vu son humeur, je n'avais pas envie qu'il le prenne mal, et je n'avais surtout pas envie que les mots s'emmêlent au bout de ma langue, sans que je ne puisse les contrôler.

Il m'a dit : Allez va t'en et à demain, de bonne heure et de bonne humeur ! Plus tôt que moi en plus, alors d'encore meilleure humeur que moi ! De toutes façons aujourd'hui, c'était vraiment exécrable.

Ça m'a un peu rassurée, mais je l'ai quand même mal pris. Des fois j'ai pas d'humour.
Et le stress des articles est revenu. Vlan. Comme ça.

Je dors bizarrement en ce moment. Peut-être parce que je ne prends plus d'actifed nuit, presque équivalent à un somnifère.
Déjà je ne supporte pas ce drap house jaune pisseux que ma mère m'a mis. Beurk.
Faut que ça soit blanc ou d'une belle couleur.
Mais pas jaunasse.
Et puis je fais des rêves en chaîne, dont je me souviens deux minutes le matin puis qui s'en vont, me laissant dans une atmosphère pesante très désagréable.
Entre ces rêves, des bouts de trucs que je devrais faire, ou que j'hésite à faire.
Du coup le lendemain je suis perturbée, parce que je ne sais absolument plus ce que j'ai dit à qui, ou bien ce que j'ai fait.
Je me remélange entre le rêve et la réalité.

C'est souvent un assez mauvais signe de mon état moral, mais ça me rappelle la grande époque où je vivais comme droguée, complètement déconnectée de la réalité. Je vivais avec les fantômes, les souvenirs, les ombres. Je me nourrissais d'étoiles, de couleurs, de mélodies ou de fantasmes.
C'était étrange, mais cela reste, dans mon ressentiment, le bon côté de cette période dramatiquement lugubre.

Je noircissais des pages et des pages.
Je parle beaucoup de tout cela en ce moment. Mais c'est sûrement parce que cela fait trois ans.
Enfin ça fera trois ans dans quelques jours.
Il y a exactement trois ans, je fêtais mon départ à Madrid.
Je me souviens qu'ILS m'appelaient d'en bas, pour que je vienne prendre l'apéro avant de prendre l'avion le lendemain. Je me souviens qu'au moment où ILS m'appelaient, j'étais cachée derrière ma porte, en train de téléphoner à Elle, avec le portable qu'Elle m'avait offert.

Nous avons beaucoup de choses à régler Elle et moi.
Trop de mots qui sont restés en suspens.
On commence, par écrit.
C'est dur. Mais il le faut.
Je rêve de La voir pendant plusieurs jours, loin de tout, loin d'EUX.
Tout mettre à plat. Ne pas avoir peur des larmes. Se parler, les yeux dans les yeux.
Sans que la peur ne nous fasse nous retourner.
Prendre enfin le temps.

Je n'ai qu'un mot à la bouche depuis quelques jours.

Paris.

Comme si c'était un mot magique, quelque chose qui allait me sauver, me rendre ce que j'ai perdu.

Bientôt Paris.
Bientôt.


Ecrit par inconsciente, le Mardi 5 Février 2008, 22:20 dans la rubrique Aujourd'hui.

Commentaires :

aubes
aubes
05-02-08 à 23:05

Celle de quand tu sais que tu es en train d'essayer, intentionnellement, de mettre du piment dans ta vie.

Ca m'a fait sourire, ça m'arrive souvent mais je n'avais jamais essayé de mettre de mots sur cette sensation, et tu le fais si bien, si simplement.

Il y a dans tes textes quelque chose de très vrai, et de frais, et je ne m'en lasse pas, et je t'envoie des sourires.

:)


 
inconsciente
inconsciente
05-02-08 à 23:08

Re:

J'adore quand l'un de mes lecteurs s'arrête sur l'une de mes phrases pour me dire qu'elle lui parle.

Merci merci merci de ton commentaire.

En période de grande remise en question, et donc de doutes, ça fait un bien fou !

 
Elwinwea
Elwinwea
06-02-08 à 16:02

Je t'adore mon Inconsciente, je ne sais pas toujours pourquoi, mais aujourd'hui je sais.

Aujourd'hui je t'adore, parce qu'à nouveau nous avons une vie presque en parallèle, avec quelques jours ou quelques heures de décalage.

ça fait mal de terminer dans l'oubli, on se dit qu'on n'arrivera pas à tourner la page, mais on arrive pourtant, la suivante est une page blanche, et page après page on continue d'écrire notre livre de vie. On est blessé quand on a plus de réponses, je connais, moi aussi je l'ai été, en octobre-novembre 2007. On a l'impression que l'autre ne comprenait pas, moi je me suis dit en fin de compte que c'est moi qui n'avais pas compris... et j'ai tourné la page, je l'ai tourné d'autant plus facilement qu'une main angélique était posée sur la mienne en attendant que je la tourne...

Et évidemment, après le malheur noir, celui qui est humide, froid et noir, ça ne peut qu'aller mieux, il ne peut que faire plus clair au-dehors. Mais malgré mon ange, je t'avouerai que j'ai fait la connaissance d'un parallèle à ton Clooney, nous l'apellerons Astaire bien qu'il n'y ait pas vraiment de ressemblance physique cette fois-ci, quoique, en cherchant bien...

J'ai moi aussi repris ma petite vie à l'Uni, les examens de février (oui oui, réviser uniquement le soir d'avant ça suffit, enfin presque...).

En lisant la fin de ton article, je me dis qu'en fin de compte, du as trouvé un peu de lumière après ta tristesse, et j'en suis toute contente pour toi, j'espère que tu as un bel arc-en-ciel en prime !!!

 
inconsciente
inconsciente
06-02-08 à 18:31

Re:

Mon arc-en-ciel c'est mon parapluie !

Et sinon en fait Astaire ça va carrément mieux à Clooney que Clooney !
Parce que quand il marche on dirait qu'il danse.
Mais Clooney c'est un jeu entre nous. Enfin c'était. Enfin peu importe. Maintenant c'est Clooney.

Je n'ai pas encore tourné la page.
Mais je suis passée devant chez lui il y a quelques minutes, et je voyais son ombre qui se découpait derrière le store.

Étrange.

Mais ça ne m'a pas détruit le coeur.