J'ai tendu l'oreille toute la journée. J'ai surveillé la porte discrètement.
Ça m'a rappelé le 14 décembre 2003, durant lequel j'avais passé la journée à la guetter.
Sauf qu'aujourd'hui, elle n'est jamais arrivée.
-Elle devait pas venir Sylvaine ?
-Si... Je crois que je retiens mes larmes. Bien sûr qu'elle devait venir. Cela comptait beaucoup pour moi. C'était immensément important de l'inviter. Immensément important qu'elle vienne.
-Elle a dû avoir un empêchement. Je l'ai croisée ce matin, au bureau de vote. Elle m'a dit quelque chose mais je ne me souviens plus quoi, j'étais tellement dans les vappes...
En me réveillant ce matin, c'est la première personne à laquelle j'ai pensé.
Sylvaine.
Tellement hâte de la voir.
Jamais je ne me plains de la distance qui nous sépare, jamais je n'évoque la souffrance que cela provoque en moi. Je me suis juré de ne jamais souffrir de notre histoire étrange, inhabituelle, informelle, presque silencieuse et pourtant si douce. Mais je ne peux me résoudre à vivre sans elle, complètement. Et quand je sais que je vais la voir, mes mains tremblent, mon coeur s'agite, je turn red comme disent si bien les Anglais.
Je n'ai pas petit-déjeuné, j'ai directement commencer à couper le pain en morceaux, les légumes en morceaux, la charcuterie en morceaux. Je n'avais pas faim, je sens qu'elle s'en va, qu'elle n'est plus si présente.
J'ai pris une longue douche. J'ai rêvassé un peu. Je me suis foutu de l'eau sur le visage pour arrêter de me faire des films, parce que je vais encore souffrir. Je m'emballe trop vite. Qu'est-ce que j'ai bien pu lire dans le sourire d'A ? J'y ai lu seulement ce que j'avais envie d'y lire. Mais sûrement pas la vérité.
J'ai mis ma robe à papillons, celle que ma grand-mère m'a donnée à Noël, lorsqu'on a farfouillé ensemble dans le grenier.
Je suis allée à la clinique, pour la voir, pour lui montrer ma robe, et son petit diamant autour de mon cou. Elle m'a dit que j'étais belle comme un coeur. Je l'ai crue.
J'ai embrassé le front de mon grand-père, avec tout mon amour.
Je suis repartie, dans la rue humide.
J'ai programmé trois CD pour l'après-midi.
J'ai dansé dans le salon réamménagé pour l'occasion.
J'ai attendu quelques minutes que les premiers invités arrivent.
Et puis tout s'est enchaîné.
Comme une jolie valse, je voguais des amis à la famille, de la famille aux amis.
Les anciens du lycée, soigneusement sélectionnés puisque j'ai décidé de ne plus m'emmerder avec la politesse. Aucune envie de recevoir des gens que je n'aime pas chez moi. Surtout pas dans le contexte, surtout pas pour l'occasion.
Claire.
Toute ma famille ou presque.
Violaine et ses enfants. Hélène (la copine folle de ma mère que j'adore et dont j'ai déjà parlé cent mille fois) et son mari.
Et bien sûr Garfu. Et Christine.
Il ne manquait que Sylvaine pour incarner mieux que dans mon monde à moi, en vérité, en chair et en os, pour la première fois depuis tout ce temps : mon triangle des bermudes, mon trio protecteur, les trois femmes de ma vie.
Mais j'ai tellement pensé à elle qu'elle était peut-être là, finalement.
Énormes éclats de rires. Souvenirs. Larmes terribles à essuyer. Joues pulpeuses à embrasser. Sourires angéliques à échanger. Cadeaux fabuleux, symboliques, inoubliables, à ouvrir. Moments uniques. Sublime réunion de tous ces gens que j'aime tellement.
Quelques mètres à faire et je passe d'Hélène à Christine, de Christine à Philippe, de Philippe à Violaine, de Violaine à Claudy, de Claudy à Mareen, de Mareen à Claire, de Claire à Toma, de Toma à Garfu. Etc.
Un rêve.
Ils sont venus, ils sont tous là...
Avant de souffler les premières bougies, je fais un voeu.
Les voeux que j'ai faits, à chacun mes anniversaires, ils ne se sont jamais réalisés...
Je vous assure que je me souviens de chacun d'entre eux.
Personne n'a pu me les raconter puisque je ne les ai jamais dits à personne.
Celui-là était complètement idiot.
Ils sont toujours complètement idiots. Tellement concrets. Trop concrets.
Où s'envole ce voeu ?
Je n'ai jamais encore rencontré le génie de la lampe.
De toutes façons, on a toujours dit qu'il ne savait agir en faveur de l'amour.
Sûrement pour cela que mes voeux ne se sont jamais réalisés.
En sortant de ma douche ce matin, un frisson m'a transie quelques secondes.
Et si le Prince débarquait, un bouquet de fleurs dans la main, avec son sourire si particulier sur les lèvres ?
Après tout je lui ai envoyé une invitation. Comme à tous les autres.
Il n'a jamais donné signe de vie. Même pas par politesse.
Je voudrais juste savoir pourquoi. Si c'est parce que mon amour l'a énervé, l'a asphixié et que par conséquent il ne peut plus me voir.
Ou bien si c'est parce qu'il préfère étouffer ces sentiments. Les miens. Les siens. Les ou les autres. Ou les deux.
Je n'ai jamais vraiment su s'il m'aimait. J'ai juste eu l'impression de le comprendre. Dans ses mots, dans ses regards particuliers.
Mais moi qui aime tellement l'abstrait, j'aurais bien aimé un peu de concret à ce moment-là.
Des paroles, mêmes dures.
Mareen m'a dit qu'il n'allait pas bien.
Qu'il était devenu agressif depuis janvier.
À peu près au moment où il a cessé de me donner de ses nouvelles.
Est-ce que son état a un rapport, un infime rapport avec notre "histoire" ?
J'ai pensé à A, tout au long de la journée.
Cela me faisait plaisir. Je me sentais vivante. Même si j'étais effrayée à l'idée d'être encore dans une illusion profonde.
Je l'imaginais prendre ses photos.
Je l'imaginais vivre.
J'avais Sheller dans la tête...
"Simplement, même pour un instant, je serais peut-être heureux de te voir vivre".
Cette chanson qui veut tout dire pour moi.
Ma chanson préférée.
J'ai hâte d'être au 27 pour assister, enfin, à la projection de nos courts métrages.
Voir Simplement en plein écran.
Philou m'a offert trois cassettes DV vierges.
J'adore ces cadeaux-là.
C'est toujours comme cela.
Un petit clin d'oeil, ce petit secret entre nous.
Ce fil sur lequel le courant passe, silencieusement, mais de façon appuyée.
Et c'est ce que j'ai aimé dans chacun de leurs présents.
Ce symbolique.
Ces objets, pas choisis au hasard. Qui ont déjà une valeur sentimentale à mes yeux.
Une valeur bien plus chère que ce qu'ils représentent dans une vitrine ou dans un étalage.
J'aurais tant de choses à vous écrire. À vous décrire.
Je prends déjà du retard, mais je ne peux malheureusement passer ma vie à écrire...
Je n'aurais plus rien à raconter !
C'était une grande journée d'amour.
Mon père était charmant, je ne l'ai pas entendu faire une seule réfléxion désobligeante.
Il ne manquait qu'elle. Que j'attendais tant.
Mais un de ces jours j'irai la voir, lui rappeler, simplement, combien je l'aime.
La semaine va recommencer.
Clooney sera beau, mais bien fade comparé à cette avalanche de beauté que j'ai en perfusion depuis vendredi.
Je vais lutter, je vais écrire, travailler. Rentrer, manger, dessiner.
Me forcer aussi. Me contraindre un peu.
Et puis je vais attendre, des nouvelles d'A.
Attendre patiemment, que ma vie reprenne forme.
Réapprendre patiemment, à vivre normalement, autrement.
Cela fait trois ans que je le fais. Que je me prépare à ce jour.
Je réappuyerai sur le bouton lecture le vendredi 14 mars 2008.
Je repartirai.
J'ai essayé, tenté de recommencer, avant la date. Sans succès.
Que la force soit avec moi, que le voeu des 18 bougies me porte là où je veux aller, avec qui je veux être.
Merci la vie, merci l'amour ;)
Commentaires :
Cela aurait pu être un article triste et poignant.
Tu en as fait quelque chose de beau et d'entrainant.
C'est tout ton talent d'aimer et de croire.
J'aimerai me souvenir de ça les moments où je ne vais pas.
Merci pour l'exemple.
Re:
Il était plein d'espoir celui-là...
Aujourd'hui, tout s'écroule.
Mon grand-père est mort et A, dont je tombais doucement amoureuse, en aime une autre (pas réciproque pour l'instant mais... À l'évidence je me suis plantée sur toute la ligne).
Merci quand même
Re:
Pour la ligne, ne t'en fait pas tu auras d'autres occasions de voir tes voeux s'exaucer.
Je pense à toi qui pense à ton jardiner.
L'article se fini par une note positive, c'est cool pour toi!
J'attends la suite avec impatience mais profite de la vie :)
Re:
Qui êtes vous ? N'avez-vous pas un pseudo, un nom secret, quelque chose qui me parlerait de vous ?
Re:
Re:
Il n'y a pas d'impossible dans mes rêves. Ni dans ma vie.
Je ne veux plus savoir ce que signifie "amour impossible".
Avant vendredi, cela signifiait "interdiction de la loi".
Maintenant ça, c'est fini.
Il reste ceux qui sont déjà pris, mais en général je m'en désintéresse dès que je sais qu'ils ne sont pas libres.
Alors qu'est-ce qui est impossible ?
L'amour n'est pas impossible. Au contraire.
Je ne vois rien de trivial dans vos propos.
Je les aime bien.
Ils me ressemblent.
Et vous avez profondément raison lorsque vous dites que malgré les parures dont j'habille mes mots, je me livre entièrement nue.
C'est bien ce que je veux.
Et c'est aussi (sûrement) pour cela que l'on ne m'aime que lorsqu'on me lit.
Si vous me croisiez dans la rue, vous ne vous retourneriez même pas. Je ne vous intéresserais pas.
On me découvre, on me lit. Je plais avec les mots. Pas avec mon sourire ou avec mon corps.
Ce n'est qu'après qu'on se dit que je ne suis peut-être pas si mal.
Que je suis peut-être belle à l'extérieur si mes mots savent être aussi beaux.
Merci de votre amour.
Il me touche beaucoup.
Il me fait du bien.
Vous n'êtes ni cruel, ni injuste.
Vous me faites juste plaisir et consolez un peu mon coeur malmené.
Re:
99.9% d'accord avec vous sauf sur ces mots :
Si vous me croisiez dans la rue, vous ne vous retourneriez même pas. Je ne vous intéresserais pas. On me découvre, on me lit. Je plais avec les mots. Pas avec mon sourire ou avec mon corps.
Figurez vous que même votre talent peut vous aveugler. Vous êtes entièrement belle dans vos mots qui n'iraient pas sans votre sourire et votre corps.
Re:
Re:
Vous dites que je ne pourrais que trouver une issue heureuse ou que justement, si je me laisse guider par cet idéal, je ne trouverais jamais d'issue heureuse ?
Mais sinon, ok, je rosis.
Re:
Re:
Haha.
Et bien, je l'espère...
J'espère aussi que cela ne tardera pas à arriver.
Enfin... Qu'il y aura bientôt une période de bonheur.
Cela fait bien longtemps que cela m'est arrivé.
Re:
Re:
Je ne sais pas. Que vous vous plaisez sincèrement dans cette vie. Ou peut être vous en aviez besoin mais que vous faites un peu semblant pour panser vos peines.... J'interprète maladroitement la lecture de votre blog.
Re:
Je m'y plais bien. Mais j'attends la suite.
En fait, j'attends qu'il se passe enfin quelque chose.
Vous savez, j'ai le sentiment que ma vie n'est rien sans quelqu'un à aimer.
Alors je survis, chaque jour, en attendant de le ou la trouver.
Cette vie n'est pas mal.
Je n'ai pas de problèmes.
Ma colocation se passe à merveille, je vis avec ma meilleure amie et tout se passe parfaitement bien.
Mes études se déroulent plutôt pas mal. Ma classe est adorable. Mes professeurs aussi.
Le ciel est beau. Il y a la mer. Notre appartement est super confortable.
Mais je me sors d'une histoire difficile, je reprends enfin un vrai contact avec mes parents, j'étais tombée follement amoureuse et je croyais que c'était réciproque et puis en fait je ne l'ai jamais vraiment su puisque désormais c'est silence radio.
Alors j'attends.
Je ne supporte pas cette attente.
Alors pour la rendre plus agréable, effectivement, je cultive ce bonheur artificiel, ce bonheur en surface, et je me nourris des jolies petites choses qui arrivent chaque jour.
Ce n'est pas maladroit.
Ou en tout cas cela ne me choque pas.
La maladresse a tendance à m'attendrir.
Re:
Hum... C'est très dur de converser et de vous répondre dans un simili-chat. Bien sûr que tout va bien. Et vous verrez même dans les jours qui viennent que le printemps éclairera davantage votre vie (vive la force de la nature, du soleil, et du changement horaire !!). Cela ne saurait compenser votre attente. Je devine même que les bourgeons alentours peuvent rendre plus cruels vos aspirations au bonheur. Je me trompe ?
Comme je le disais en substance "plus haut", votre force que vous semblez méconnaitre est la puissance de votre "nudité" que je retiens comme le mot clé de notre échange.
Re:
Autour de moi, tous bourgeonnent de bonheur.
D'un bonheur qui me semble parfois (parce qu'il n'y pas que ça non plus) bien superficiel, bien léger.
Un bonheur auquel je mettrais tellement plus de profondeur.
Mais c'est facile de dire cela, quand on est qu'observatrice.
On me dit toujours que ma façon d'aimer est admirable.
Il n'empêche que personne n'a voulu la tester depuis bien longtemps.
Admirable peut-être, mais repoussante.
Alors les autres papillonnent de bonheur. Croulent sous les égards. Bourgeonnent et frissonnent de joie.
Moi je suis en deuil.
Et je n'ai, en plus, aucune épaule ni aucuns bras dans lesquels m'effondrer.
Au moins quelques minutes.
Car oui bien sûr je suis forte.
Mais je ne serais que plus forte si j'avais un peu d'amour.
Cela ne m'a jamais dérangé autant qu'en ce moment.
D'être seule.
Ouhh vilain caliméro que je suis.
Ne vais-je donc jamais cesser de me plaindre ?
Re:
Je ne savais pas que vous connaissiez Caliméro !!! La situation est plus simple à résumer ainsi. Nan, ne faites pas la forte "Inconsciente", vous ne trompez personne et ça ne sert à rien. Pleurez un bon coup. Les épaules qui veulent vous soulager ne sont que virtuelles, bien maigres et bien fragiles donc, mais aussi solides que le blog que vous offrez si mpudiquement.
J'espère que cette dernière remarque ne vous heurte pas trop, mais par ces mots je veux volontairement vous choquer et vous dire de faire plus simple et que l'amour n'est pas un tabou, n'est pas une honte et pas une question de sexe d'age ou même de position sociale. Ca vous le savez, mais acceptez le et ne croyez pas être une Caliméro.
Re:
D'ailleurs je ne le suis jamais. Ou presque.
On a tous nos instants de Caliméro.
J'accepte tout ça.
L'amour n'est rien de tout ça.
L'amour est juste possible.
Et vivant.
Mais là j'ai mal. Mal et marre d'être seule.
Je n'en peux plus.
Ça me pèse à un point...
Re:
Re:
C'est anecdotique mais j'ai lu que vous embrassiez "vraiment" sur les deux joues. Encore un signe de votre beauté ;)
Re:
Quelqu'un qui saura voir au delà du superficiel. Qui t'aimera pour ce que tu lui a montré avec tes mots.
J'ai une piètre opinion de moi, mais mes mots déclenchent parfois des réactions beaucoup plus positives que celles que succitent ma pauvre personne. En tout cas, j'ai eu la preuve que cela peut apporter du beau.
Re:
C'est déjà arrivé.
D'ailleurs la seule fois où c'est arrivé, c'est avec mes mots, écrits, que j'ai... séduit.
Je me trouve toujours très nulle à l'oral. Je suis trop timide, enfin ça dépend mais...
Je suis très maladroite à l'oral.
Et c'est sûr qu'en me lisant, on se fait une bien meilleure opinion de moi qu'en me voyant juste.
Re:
En ce qui concerne l'oral, il y aura un moment où ...
L'alchimie prendra, et tu seras parler tous les languages.
Re:
Attrape une bouée, une corde, une main tendue ...
Ce qui te passera à portée,
Tiens le coup va.
Re:
Re:
Re:
Re:
Si je m'arrêtais, ce serait mauvais signe ;)
Elwinwea
Certainement, quand on pense beaucoup aux gens qu'on aime, ils sont quelque part un peu avec nous.
Je suis sûre que c'était une superbe fête !