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"Un mot d'amour à l'oreille peut dans chacun réveiller un volcan..."
--> pour qui l'entend..."
Jeudi je suis arrivée à la gare un peu avant 15h.
Comme d'habitude j'ai dévisagé chaque personne qui attendait pour voir si ce n'était pas Arnaud.
Comme d'habitude je ne l'ai pas trouvé.
Comme d'habitude personne ne m'attend.
Les gares me font toujours un effet d'extrême concentration d'émotions. Je voudrais qu'elles soient le théâtre de comportements extrêmes. D'êtres extrêmement pressés. Extrêmement amoureux.

Vers 16h30 je suis allée attendre ma soeur à la sortie du collège.
Quand je l'ai enfin retrouvée, je me suis retournée, impassible, vers le lycée.
Il était là, dos à moi, à fumer son éternelle cigarette Winston.
J'ai été prise d'un sursaut de tendresse. J'ai supplié ma soeur de me laisser aller lui dire bonjour.
Elle m'a suivie.
Il a été plutôt gentil, plutôt souriant.
Mais j'ai eu de la peine à repenser à notre complicité d'il y a six mois, complètement désintégrée puisque nous sommes à nouveau comme deux étrangers l'un pour l'autre.
C'est sans doute ça le plus dur.
Plus que de se résigner à abandonner un rêve.
J'ai au moins eu la confirmation que mon amour pour lui s'était éteint.
J'avais rêvé de lui la veille, il m'invitait à dîner avec ses enfants. Notre complicité était intacte. Au réveil cela m'avait perturbée. Encore une fois.
Les rêves m'emportent toujours sur des terrains glissants.
Ils m'ont toujours fait me planter, foncer droit dans le mur.
Mais j'ai du mal à leur résister.

Hier soir j'ai fait un tour en ville avec Julie.
Il avait fait gris toute la journée mais la soirée était orange et chaude.
Je n'ai entendu aucun groupe exceptionnel, je n'ai pas été particulièrement émue par une mélodie. Des bribes parfois. Sensations d'autrefois.
J'ai vaguement cherché Arnaud mais n'ai croisé personne à part trois filles de ma classe.
Ça m'a fait rire.
Ce sont elles ma vie maintenant. Et bien qu'aucune d'entre elles ne soit originaire de Rouen, ce sont les seules personnes que je croise le soir où les rues sont surpeuplées. Étrange.
J'ai emmené Julie aux petites cuillères.
C'était agréable de venir là-bas de nuit.
En allant payer, le patron m'a tendu une craie pour écrire un mot sur les autocollants-ardoises qui sont collés sur leurs murs.
Au salon de thé le plus délicieux du monde <3
C'est comme mon QG, là où ma langue se délie, là où j'emmène les personnes que j'aime et qui m'aiment, les personnes à qui j'ai envie de dire des choses futiles et belles, rares et profondes.

Je suis un peu déçue cet après-midi, de réaliser une fois de plus que ces personnes se font rares, que je ne crois vraiment plus en l'amitié.
Je crois que seule Aurélie donne du sens à ce mot que je bannis.
Mes parents désespèrent de me voir rester seule chaque week-end, de me voir toujours rester seule.
Le dimanche appelle à l'intimité, au temps long, disproportionné, à un ennui savoureux que l'on ne partage pas avec n'importe qui.
Je ne suis l'intimité de personne et ça me fait un instant frissonner. Pourtant le temps est lourd et mes cheveux se collent à mon front.

J'écoute Calogero en rêvant de vent dans mes cheveux, de vent sur ma nuque, de musique dans une voiture lancée à fond sur l'autoroute, de bleu ou de vert à perte de vue.
J'ai envie de nature, envie d'envoyer valser tous ces câbles qui maintiennent tant bien que mal ma vie sociale.
Je rêve de longues soirées dehors, quand la chaleur s'efface un peu, quand la fraîcheur du soir tombe subtilement, quand tout devient plus beau, plus bleu, quand les yeux brillent.
Je rêve d'un électrochoc dans mon coeur. Le même que celui que j'ai lorsque je pense à Arnaud. Mais qu'il soit réciproque cette fois.

Je m'inquiète un peu de savoir comment je vais supporter mes parents et ma soeur tous les jours.
De savoir aussi comment je vais vivre sans avoir personne à poursuivre, personne à qui m'accrocher.
Il me faut de l'espoir pour vivre. De l'espoir d'amour. Car de l'espoir pour le reste j'en ai.
Mais c'est l'amour mon essence, mon énergie.
Sans l'amour, le moteur ne démarre pas.

Il me faut une nouvelle raison de vivre.

Ma notion du temps est complètement perturbée.
Je regarde un nuage passer. Il est très long, très étiré. Il se hisse lentement sur le ciel mauve. Il est encore loin de la cheminée de la maison d'en face.
Mon regard se perd, mes pensées glissent dans le passé, j'ai l'impression d'avoir perdu conscience rien qu'une ou deux secondes mais lorsque mes yeux refont le point, la moitié du nuage est déjà passée de l'autre côté de la cheminée.
Je repensais à Elle. Je repensais à la première fois où on s'est revu sans en avoir le droit.
C'était dans un ascenseur. On fredonnait En apesanteur en se serrant dans les bras, fébrilement, priant pour que le temps s'arrête et pour que le voyage continue pour toujours.
Je repensais à cette sensation de bonheur. Car c'était ça mon bonheur. Aimer et être aimée. Rien de plus. Malgré l'horreur qui pesait sur nous.

Pendant cet instant j'ai ressenti une effluve de bonheur. Je me suis rappelé ce que ça faisait. C'est ça qu'il me faut. Je ne pourrai pas être heureuse autrement.
Et puis ce poignard dans mon coeur. Cet acide pire que tout. Pire que n'importe quelle peine de coeur.
Je ne suis pas encore guérie. Faut encore que je me batte pour exister indépendemment de tout ça.
Mais comme je l'écrivais il y a des mois de cela, la seule solution que je vois pour achever ma guérison c'est de vivre une autre histoire. Cela reste ma conviction.
Voilà aussi pourquoi la solitude me pèse tellement.
Si encore je ne souffrais que du mal du 14 février, du mal du célibataire pleurnicheur.
Mais voilà mon problème, je souffre de celui du 13 et du 14.

Aujourd'hui ma soeur est allée à la communion de ma cousine dans les Yvelines, dans la petite ville où vit Sylvaine.
Je l'enviais un peu de voir ma famille, mon oncle chéri, d'avoir un dimanche festif. Mais je n'avais pas pensé qu'elle aurait la chance d'être si proche de Sylvaine.
Et sur un ton cruellement léger, elle m'a assassinée en rentrant tout à l'heure :
-Ah au fait Marie, j'ai cru voir Sylvaine. Enfin c'est p't'être pas sûr. Elle va peut-être pas à la messe le dimanche. Elle avait une longue robe bleue. Elle est bien très très grande, hein, c'est ça ?
Je me suis sentie défaillir et me suis étouffée en répondant.
-Oui... elle est immense. Et très croyante aussi.

Je reste pensive pendant des heures.
Je fredonne mille fois le générique de La Demoiselle d'Avignon, ce vieux feuilleton qui me fait rêver.
Mes rêves me reviennent facilement le matin. Je vais de nouveau pouvoir les noter dans mon petit carnet.
Je vois Christine jeudi. Enfin.

Je voudrais perdre un peu la tête.
Noyer mes pensées dans des ondes positives.
Mais c'est difficile, madre mia.

Ces dernières semaines m'ont un peu empêchée de réfléchir.
Et là la solitude me crève de nouveau les yeux.

Merde.

Merde merde merde.


Ecrit par inconsciente, le Lundi 23 Juin 2008, 00:48 dans la rubrique Aujourd'hui.

Commentaires :

exvag
exvag
23-06-08 à 11:14

Il nous faut tous une raison de vivre.

Mais attention, que le trop de manque ne nous fasse pas nous jeter sur de mauvaises chimères.

L'été est une période à part, tout est possible.

 


 
inconsciente
inconsciente
23-06-08 à 11:15

Re:

Je suis TOUT À FAIT d'accord 

 
alberto
alberto
23-06-08 à 12:46

"Il me faut une nouvelle raison de vivre"... c'est à dire une raison d'espérer !

“Que serait la vie sans l’espérance ? N’était l’espérance, rien ne vivrait.” (Hölderlin)

Pour vivre, l’être humain a besoin d’espérance. Qu’arrive-t-il quand l’espérance vient à manquer ?

Je t'envoie mes pensées en souhaitant que le gris (en toi et sur la colonne de droite) se transforme bientôt, très bientôt, en belles couleurs...

 
adagio
adagio
23-06-08 à 15:43

J'ai ressenti un étrange calme à travers tes lignes, alors que dans mes souvenirs il y avait plus d'exaltation dans tes textes précédents (mais c'est peut-être seulement une impression parmi tant d'autres qui me reste).
Là j'ai bien aimé justement ce ton plutôt posé, même s'il ne signifie pas qu'il soit serein. La forme peut aisément dissimuler une certaine gravité de fond...

(excepté les 4 derniers mots que j'ai trouvé dommage, mon regard étant en effet hostile à toute grossièreté, regrettant la moindre salissure venant dénaturer la beauté... mais ce n'est que mon point de vue)

Ta phrase : "Le dimanche appelle à l'intimité, au temps long, disproportionné, à un ennui savoureux que l'on ne partage pas avec n'importe qui." est à mon sens tout simplement sublime.
C'est exactement cela, tu as su décrire parfaitement cette particularité dominicale, tous tes mots là touchent avec une précision incroyable. Bravo !

En relisant le passage avec l'éternel fumeur, la fin de ton rêve, la réalité actuelle, et en osant de nouveau mettre un très léger parallèle avec ton histoire précédente (malgré ton avertissement l'autre jour signifiant qu'il ne fallait pas le faire, mais là cela m'a fait penser à quelque chose alors je le partage, quitte à me tromper, je prends le risque pour toi), je me disais que la différence dans cette fin c'est qu'avec lui justement il y a une fin bien nommée face à face : "J'ai au moins eu la confirmation que mon amour pour lui s'était éteint."
Car parfois en te lisant évoquer cette "Elle" qui te hante encore, je te vois un peu comme un fantôme qui n'aurait pas encore accompli une dernière tâche et qui ne peut donc pas clore sa vie terrestre, qui ne peut pas commencer sa nouvelle vie d'après.
En fait c'est comme si vous étiez l'une pour l'autre une sorte de fantôme chacune, ce qui t'empêcherait de tourner définitivement cette page.
A mon avis les fantômes n'ont rien à faire dans la réalité, mais pour les faire partir il faut les affronter de face, et non pas vouloir les enfouir sous un drap quelconque.

C'est tellement beau ce que tu écris parfois sur votre passé, que ce serait dommage de le détruire par des coups de poignard.

Tu as un tel amour en toi que je te souhaite de trouver l'apaisement, la vraie sérénité, de ne pas garder d'ombre mais de t'épanouir au soleil.

Au fait j'aime aussi beaucoup ton sous-titre (terminant la phrase du titre) : "pour qui l'entend..."

:)


 
Chivato
23-06-08 à 21:56

Ca manquait de vous lire. Vous êtes toujours aussi touchante. C'est drôle cependant, je vous trouve un peu changée. Comme plus mûre. N'y voyez pas un reproche.

 
inconsciente
inconsciente
27-06-08 à 11:46

Re:

Je n'y vois aucun reproche !
Ce serait bien que je me sois un peu calmée ;)