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En joue
Me retrouver assise dans un champ, en fin de soirée.
Regarder le soleil se coucher en respirant les volutes des Lucky Strike de Julie.
Je n'y peux rien mais la fumée de cigarette me séduit, m'enveloppe, me cajole, me câline.

Cela faisait une éternité que je n'avais pas été invitée chez une amie, à manger, à dormir.

À l'heure qu'il est, je devrais être au club d'escrime à faire la fête avec Claire et une bande inconnue.
Je n'ai pas osé. Peur panique d'être mal à l'aise toute la soirée au milieu de trop jeunes hommes moqueurs et alcoolisés. Terreur de me sentir délaissée, exclue comme je l'étais lorsque je suis revenue là-bas, avec mes béquilles, parce que je voulais les voir, assister au cours, encore un peu, même si je ne pouvais plus tirer. Être observatrice.
Je ne ferai jamais partie de leur délire.
L'important, ils l'ont vécu après mon départ.
J'ai trop peur de me sentir de trop. Cela me terrorise. Je ne veux pas m'imposer ce malaise alors...

Alors je fuis cette terreur, je fuis ce défi, et je reste chez moi devant mon écran, à dessiner ou à écrire des mails.
J'aurais voulu voir Jérôme mais je lui écrirai. J'ai déjà commencé une lettre. Une seconde lettre.
Peut-être qu'un jour on se retrouvera enfin tous les deux en tête à tête et je pourrai lui raconter. Tout.
Peut-être ne sera-t-il jamais celui que je voulais qu'il soit.
Peut-être que pour lui, je resterai à jamais cette ombre enfantine et silencieuse qu'il salue toujours avec un immense respect et une petite émotion au coin des yeux.
Sans qu'il en sache jamais plus.
Sans qu'il ne sache jamais ce qu'a été ma vie après lui.

Quand j'étais petite, je me disais que c'était l'homme que j'aimais le plus au monde après mon père. Je m'en souviens très bien car je l'avais écrit dans l'un de mes journaux intimes. Un journal qui s'adressait à Claire, du début à la fin, et que j'ai relu il y a peu.

Cette semaine, je me suis surprise à beaucoup rire. À rire de tout et de rien. À rire fort. À gorge déployée.
Papane disait que si on souriait longtemps, même en étant déprimé à l'origine, on finissait par attraper la bonne humeur.
C'est peut-être ce qui m'arrive.
Je ne suis pas enjouée mais presque.
Je suis gaie. Enfin je crois.

Je lutte contre les pensées qui viennent m'assombrir.

J'ai déjeuné avec Christine jeudi midi.
C'était un vrai bonheur.
En quittant sa twingo, la profonde sensation d'être ressourcée.
Je me sens mieux. Plus légère.
J'ai pu lui donner de mon amour, tout par les yeux et par mes mots maladroits.
J'ai enfin retrouvé, en moins de deux petites heures, tout ce qui m'avait tellement manqué.
Me gaver de ses mimiques, de ses mots, de ses réactions, de sa philosophie afin de devenir quelqu'un de bien. Comme elle.
Réapprendre à parler en l'écoutant s'exprimer.
Sentir mon coeur battre comme un fou.
Pouvoir parler de tout, comme je vous parle à vous, parce qu'elle a suivi tous les épisodes, parce qu'elle me lit et parce qu'elle a été là, stoïque, sublime, durant la pire période de toute ma vie.
Parce qu'elle est la seule qui me comprenne vraiment sur ce point.
La seule qui n'a jamais cessé de me soutenir. Quoi que je fasse.
Elle a vécu mon histoire avec moi. C'est aussi un peu devenu la sienne. J'aurais aimé qu'elle soit épargnée.

Quelqu'un qui n'a pas vécu ce genre d'histoire ne peut pas comprendre ta souffrance, ton traumatisme.

Je suis si bien auprès d'elle.
J'avais presque oublié.

Comme je les envie tous de pouvoir l'embrasser chaque jour.
Ils ont beau dire. Ils ne se rendent pas compte de leur chance.


Je lui ai parlé de mon année. Des rencontres. Des échanges. Des certitudes et des craintes. De ces attentions inattendues.
Elle a tout simplifié et cela m'a aidée.
Après la claque vient la caresse.

Je ne suis pas bien sûre d'être au bout de mes peines, mais ô comme j'aimerais que cet été voie arriver un nouveau cycle de ma vie. Une nouvelle, belle, période. Le temps du bonheur... Ou de la douceur. De la sérénité. De la simplicité.

Beaucoup de souvenirs me reviennent ces derniers temps.
Ma mère dit que c'est le deuil. Que c'est inévitable.
Des souvenirs d'enfance. Des souvenirs d'Elle. Beaucoup de souvenirs d'Elle.
Des détails que j'avais presque oublié.

Quand je repense qu'à 14 ans j'avais une double vie... J'ai le vertige.

J'ai cette chanson de Sheller, rengaine dramatique dans le fond et presque joyeuse dans la forme qui vient se coller dans ma gorge. Elle me fait trop penser à cette époque. À l'une des visions que j'en ai. Parce qu'il y en a d'autres. Parce que plus que l'exaltant et terrifiant goût de l'interdit, il y avait l'amour. Incommensurable.
Mais malheureusement, il reste aussi ce goût amer contre lequel je me bats.

J'avais des mensonges à garder
Des pièces et des bijoux
Des mots d'angoisses et des rendez-vous

Et pour le peu que j'm'en souvienne encore
J'traînais ma misère au dehors
Mais j'ai du soleil qui m'éclaire enfin la tête
Il fait un vent doux
J'ai les idées bleues à faire danser les planètes
Autour de mon cou
J'me dis qu'y a là quelque chose qui témoigne
Du peu qu'ça m'coûte pour tout c'que j'y gagne
Sans vous
Quand j'étais à vos genoux

Et ce vous qui me dérange tant.

Je voudrais ne plus jamais y penser.

Il faudra bien que quelqu'un vienne l'effacer, la tuer.
Quelqu'un devra un jour m'aider à tourner la page. Entamer la dernière phase.

Je me ronge encore les doigts jusqu'au sang. C'est de pire en pire. Il faut absolument que j'arrête.
En plus d'être dans l'incessant échec, je me suis aussi fichue dans ce processus étrange d'autodestruction. Mineur, heureusement, mais on peut appeler ça comme on voudra, ça me ferait presque penser à de la mutilation. Et ça m'en colle des frissons.

J'ai très très envie de tout changer.

D'ailleurs ce nouveau vert me plaît.
Je sais que vous allez encore vous moquer, dire que je change tout le temps, que c'est la énième fois en un an.

J'ai beaucoup, beaucoup de choses à écrire. Enfin c'est ce qu'il me semble.

J'ai beaucoup, beaucoup de rêves aussi.

J'ai très très très peur de me planter encore une fois.

Je tente de penser à Arnaud le moins souvent possible, même si je me laisse trop souvent surprendre par son parfum qui s'empare de mes narines n'importe quand. Je sais bien que c'est psychologique. Ensuite sa bouche rouge et son regard mi-velours mi-acier m'apparaissent et l'électrochoc revient. Pour quelques secondes. Je ferme les yeux et mon coeur troue ma cage thoracique. Je crève de l'appeler ou de lui écrire. Je t'aime je t'aime je t'aime je t'aime. Pauvre con de photographe. Dis-moi où tu es, vite. C'est une question de vie ou de mort. Accorde-moi deux minutes. Deux minutes durant lesquelles tu oublies que tu ne m'aimes pas, que je ne te plais pas et que ça ne changera pas.
Oh non je ne m'en remets pas. Il n'aurait jamais dû, jamais. Oh je sais que c'est pour son avenir sentimental à lui qu'il faut s'inquiéter. Mais a-t-il une souffrance comme la mienne ? Non. Une pire. Comment peut-il continuer comme ça ? Est-ce de la cruauté, de la bêtise ? De l'ignorance ?

Je voudrais l'embrasser, lui dire que je l'aime puis lui foutre une claque monumentale.

Je voudrais n'avoir jamais à dire que je dois l'oublier.
Car c'est trop triste de devoir oublier quelqu'un qu'on aime tant.
De devoir effacer son amour.
Je voudrais tellement qu'il m'appelle. Je voudrais tellement qu'il m'écrive. Je voudrais tellement qu'il regrette. Qu'il se rende compte de sa connerie. Ou bien qu'il se rende compte qu'il n'aime pas les filles.


Je dois l'oublier.



Ecrit par inconsciente, le Samedi 28 Juin 2008, 03:20 dans la rubrique Aujourd'hui.

Commentaires :

exvag
exvag
28-06-08 à 07:55

Soit on reproduit toujours la même chose ... en espérant qu'à la fin ça finisse par marcher.

Soit on pousse un peu plus loin et on essaye autre chose en espérant qu'à la fin ça finisse pas marcher.

 

Il est beau ton vert, elles sont belles tes fleurs, c'est beau d'attraper la bonne humeur.
Merveilleuse expression.


 
inconsciente
inconsciente
28-06-08 à 13:10

Re:

Merci :)
C'est une expression de mon grand-père, il était médecin.

Enfin quoi que je fasse, je le ferai en espérant qu'à la fin ça marche...

 
Elwinwea
Elwinwea
28-06-08 à 09:32

Je l'aime bien ce vert, il me fait penser à un matin de printemps nouveau, à la richesse luxuriante d'un coin de verdure secret et merveilleux, un petit coin de ton coeur où te reposer.

La bonne humeur n'est pas une maladie (cf ton "atraper la bonne humeur"), ou alors si c'en est une, c'est la plus merveilleuse qui soit et il ne faudrait jamais en guérir. Je suis contente de te voir mieux, même si la fin de ton article est triste. J'aimerais tellement pouvoir te toucher par e-baguette-magique et te le faire oublier.

Je t'aime fort petit chaton aux yeux qui brillent, et j'espère que cet été t'apportera le bonheur et la simplicité auxquels tu as droit !!!





 
inconsciente
inconsciente
28-06-08 à 13:12

Re:

Oui c'est tout à fait la signification que je voulais donner à ce vert :)
Merci de me comprendre toujours si bien.

Merci pour tous tes voeux. Je les reformule à ton intention...
Faudrait qu'on y arrive toutes les deux, ce serait encore mieux.

 
ninoutita
ninoutita
29-06-08 à 12:37

Je pense qu'en te disant qu'il faut que tu l'oublies, tu n'y arriveras pas. Il faut laisser faire le temps, il s'échappera de ton esprit comme il est arrivé dans ta vie : sans crier gare mais vivement.
 

 
inconsciente
inconsciente
29-06-08 à 13:34

Re:

Tu as parfaitement raison.

<3

 
alberto
alberto
30-06-08 à 10:46

Fleurir, un jour

Un jour ou l'autre, inévitablement,  on tourne la page. C'est comme une loi : celle du temps !

Mais on ne le sait pas à l'avance... (les fleurs de ton image, ci-dessus, ne savaient pas qu'elles allaient fleurir, le faiseur de graines, lui, le savait !