Hier en allant chercher Rosa à la gare je suis passée devant les Urgences.
Il y avait là un petit garçon d’environ 8 ans qui pleurait horriblement. Il avait le genou tout rouge et plein de sang et il se tenait au mur pour marcher. Sa mère était à côté, elle semblait impuissante devant sa douleur. Elle regardait partout.
J’avais ma musique à fond dans les oreilles, je suis passée devant eux puis tout est allé très vite dans ma tête.
Pourquoi est-ce qu’elle ne le porte pas ? Il n’y a que ça à faire pourtant… Quelques mètres et il est assis sur une des chaises de la salle d’attente, un peu soulagé de sa douleur.
Alors je me retourne vers la pauvre maman, arrachant les écouteurs de mes oreilles.
Vous avez besoin d’aide, madame ?
Elle me dit qu’il faudrait le porter, qu’elle ne peut absolument pas le faire car elle a un problème à l’épaule.
J’attrape le petit garçon, le prend dans mes bras comme s’il était une princesse, je traverse la cour, traverse le couloir, la maman ne cesse de se retourner vers moi en me disant oh merci, merci… et nous finissons par arriver dans la salle d’attente des Urgences où j’installe le petit garçon sur un fauteuil.
Je regarde vaguement derrière le comptoir du secrétariat, pour voir si l’infirmière qui m’avait fait si mal en me piquant la dernière fois mais qui avait la main si douce était là. Juste pour l’apercevoir.
Je ne la vois pas.
La maman est en train d’expliquer ce qui est arrivé à son fils à la secrétaire.
Je fais un petit signe au petit garçon et m’en vais prendre le métro jusqu’à la gare.

Hier, vers minuit 30, alors que j’allais éteindre mon ordinateur, je vois un message qui s’affiche Prince veut commencer une conversation avec vous
J’accepte bien sûr.
Nous discutons de choses inutiles pendant quelques minutes puis il commence à écrire, pendant une, deux, trois minutes…
J’attends, patiemment, je sais qu’il ne tape pas très vite.
Cinq, six, sept…
Je commence à rédiger un message en écrivant J’espère que tu n’as pas avalé ton clavier, qu’il ne faut pas que j’appelle les pompiers…
J’attends encore deux minutes avant de l’envoyer, peut-être qu’il va enfin poster son récit…
Et puis le cruel message Prince s’est déconnecté s’affiche en dessous de sa photo grimaçante.
Je pense que c’est sa connexion qui, encore une fois, a déconné.

Ce qui m’énerve lorsqu’on se parle en instantané, c’est qu’il ne répond pas à mon mail précédent.
Alors il ne m’a pas dit à quelle heure il allait voir Harry Potter.
En plus il y a plein plein de séances.
J’en ai déjà raté trois.
Il y a encore 15h, 16h45 et 18h. Et sinon c’est 20h15 ou 21h30.
Mais je pencherais plutôt pour 16h45 ou 18h.
Quelle est la solution ? passer une heure et demi devant le cinéma à voir s’il arrive ? À espérer que je ne l’ai pas raté ? À sentir mon ventre se tordre horriblement ?

Je n’ose pas appeler chez lui.
Je ne veux pas avoir l’air de le harceler.
Quand c’est une histoire d’Apple, ça va encore…
Mais là pour le cinéma… Il ne m’a même pas proposé d’y aller avec lui.
Il ne m’a pas dit que je pourrais l’y rejoindre.
Je ne veux pas trop faire intrusion dans sa vie.
Même si ça n’a pas l’air de le déranger.

Ce matin je suis allée à la boutique orange où j’ai acheté mon portable car c’est normalement aujourd’hui que mon forfait commence et je n’étais toujours pas joignable.
J’ai donc appris, je m’en doutais d’ailleurs, que la portabilité n’avait pas fonctionné et que je devais donc changer de numéro.
Finalement je m’en fous un peu.
Ce qui me dérange juste c’est que j’ai donné l’ancien à l’université, et qu’il est inscrit sur les belles cartes de visite que ma mère m’a fait faire.
Mais j’ai envoyé un mail groupé à tous mes contacts –dont le Prince- et ce qui m’importe c’est que les principales personnes qui comptent pour moi aient le bon.
Et c’est désormais le cas.

Rosa est drôle.
Ce matin quand je suis descendue, elle sortait de la salle de bains avec des bigoudis sur la tête.
Elle a aussi étendu ses bas et sa petite culotte en dentelle, qu’elle a certainement lavé au lavabo, sur le porte-serviette.
Elle s’est servi un bol de céréales et au lieu de mettre du lait, elle a déversé tout son café dans son bol.
Elle a absolument tenu à faire la vaisselle.
Puis elle est partie toute seule en ville, rejoindre sa copine.
Hier elle m'a offert Volver.
Le seul Almodovar que je n'avais pas encore en dvd.

Je pense que je vais aller à la séance de 16h45.

C’est fou.
Quand on ne cherche absolument pas à croiser quelqu’un, on le croise.
Mais quand on cherche quelqu’un partout, dans chaque regard, sous chaque veste, et dans chaque ombre, on le croise jamais.

Hier par exemple, je n’avais cessé de penser à lui, et c’est quand j’ai pris la décision d’éteindre mon ordinateur, qu’il était trop tard, et que finalement, je n’y pensais plus, qu’il s’est connecté.

Il faudrait que j’arrête de le chercher.