Ce matin en sortant de ma douche, j’ai vu une petite enveloppe sur l’écran de mon portable. J’ai calmé tout de suite mon cœur pour qu’il ne soit pas trop déçu si ce n’était pas un message de lui. Mais dans ma tête, je me disais que ça ne pouvait être que de lui.

Perdu. Message de Sylvaine.

Je pensais qu’il répondrait forcément aujourd’hui, les sms c’est pas comme les mails.

À moins qu’il n’ait plus de forfait. Mais ça m’étonnerait puisque ses enfants étaient avec lui tout le mois. Il n’a pas eu besoin de les appeler.

Enfin tout ça pour dire qu’il est 22h45 et que je n’ai toujours pas de réponse.

Forcément je me fais de gros films.

La dernière fois que je m’en suis tourné un, qui était positif puisque c’était qu’il me rappellerait en entendant sur son répondeur que mon portable avait essayé de le joindre, il s’est réalisé… Pour mon plus grand bonheur.

Mais là j’ai peur, je me dis que mon message était mal tourné car j’ai écrit « Je pense à toi pour la séparation, j’essaye de me mettre à ta place et à la leur. C’est dur. »

J’ai peur qu’il ait compris « C’est dur » dans le sens de « c’est dur de me mettre à votre place » et pas dans le sens que je voulais : « c’est dur, difficile, douloureux, je suis de tout cœur avec vous trois dans cette séparation douloureuse ».

Et puis bien sûr j’ai peur que mon « beaucoup d’amour » lui ait fait peur.

Après je me raisonne en me disant qu’il faut que je me calme, que je lui ai fait maintes et maintes fois allusion à mes sentiments pour lui et que ça ne lui a jamais fait plus peur que ça.

J’essaye d’imaginer ce qu’il fait.
Il doit un peu déprimer chez lui.
Regarder la télé.

Je lui ai déjà acheté une carte postale. Elle est bleue et dessus il y a plein de petites grenouilles adorables, et au milieu il y en a une qui est plus féminine que les autres et qui dit « parmi ces prétendants où est mon prince charmant ? ». Sur la droite on remarque une petite grenouille masculine qui a une petite couronne qui lui tombe un peu sur les yeux et une rose dans la bouche.

J’avais déjà acheté cette carte à Rouen et j’avais découpé la tête de mon prince et l’avais collée au verso de la carte, encerclée d’un coup de pinceau imprégné de peinture rouge sang et j’avais écrit à côté au feutre « il est là » en faisant une flèche qui le désignait.

Mais avant de partir j’ai cherché partout la carte postale et ne l’ai pas trouvée.

Heureusement je l’ai retrouvée ici dans une boutique que j’adore depuis que j’ai l’âge d’aimer les magasins de jouets, c’est-à-dire bien bien longtemps…

Alors je n’ai pas sa tête à coller derrière, mais je sais déjà à peu près ce que je vais lui écrire.

Quand j’étais encore à la maison, je m’étais dit qu’il faudrait que je trouve une enveloppe rose tyrien comme j’adore pour lui envoyer la carte postale, pour que cela tranche dans sa boîte aux lettres avec les factures et autres lettres glaçantes de mauvaises nouvelles.

J’ai donc accepté de mettre 60 centimes de plus à mon achat et la dame m’a proposé un panel d’enveloppes, mais la première était d’un rose parfait, uni, comme dans mes rêves et je l’ai saisie en souriant.

Une enveloppe rose. Cela ne pourrait être que moi et quand il la verrait, il sourirait.

J’attendais que cela soit criant mais je suis désormais fière de vous le dire : j’ai arrêté de me ronger les ongles depuis une semaine.

Cela faisait des mois que j’avais recommencé.

En fait, j’avais arrêté quelques mois après avoir commencé l’histoire avec Elle.

Je me rongeais les ongles depuis toujours.

Et j’ai recommencé l’année dernière, lorsque je suis retournée à Madrid chez la cousine de mon père, mais cette fois j’étais avec mes parents et ma sœur.

Nous sommes montés dans le train couchette et dès que j’ai eu fini de manger mon Big Mac (ne pas se demander pourquoi j’ai toujours préféré MacDo à Quick, c’est une question qui ne se pose pas, c’est évident) j’ai porté les bouts de mes doigts à ma bouche et ai recommencé à me ronger frénétiquement les ongles.

Ce n’était pas anodin.

Je serai sûrement toujours légèrement perturbée par les voyages Paris-Madrid et surtout Madrid-Paris, surtout si je fais le voyage seule.
Mais je n’ai pas l’intention de rester traumatisée toute ma vie.
Je ne veux pas de malédictions.
Pas de mauvais sort.
Si j’ai envie d’y aller, j’irai. Merde alors.

Ce n’est pas une petite superstition à la con qui va me gâcher la vie.

J’ai super faim. Enfin non en fait je n’ai pas vraiment faim mais j’ai envie de manger. Je suis un peu boulimique en ce moment. Mais ça ne se voit pas trop alors ça va.

J’écoute Jean-Louis Aubert. Il fait une tournée acoustique cet automne.
J’ai super envie d’aller le voir mais je ne sais pas comment puisque je n’ai pas de voiture et surtout pas de permis et que l’endroit le plus proche de chez moi est Forges-Les-Eaux.
Bon. OK. Mon Prince A-D-O-R-E Jean-Louis Aubert.
En plus le concert tombe six jours avant son anniversaire.
Mais il n’aime pas la foule et je n’ai pas un sou.

Rien ne m’empêche de lui en parler.

Oùùùù tu es
J’irai te chercher
Oùùùù tu vis
Je saurai te trouver
Où tu te caaaches
Laisse-moi deviner
Dans mon cœur rien ne change
T’es toujours là mon Ange…

Dans le clip de cette chanson, à un moment où il ne chante pas, Jean-Louis Aubert se retourne et fume une cigarette.
Il est de dos, la tête un peu penchée, et sa cigarette sur le côté qui fume.
Il a une sorte de doudoune informe.
Il me fait penser à lui.

Bien sûr.