04/08 - Caramel
Dès que mon père a quitté la plage ce midi, j’ai dit à ma mère et à ma sœur que je mourrais d’envie d’appeler le Prince.
Elles m’ont encouragée à le faire, j’ai donc pris sur moi, ai attrapé mon portable dans la petite poche de mon sac et ai cherché son nom dans mon répertoire.
Les cinq sonneries et son répondeur. Mais, contrairement à celui de son fixe sur lequel on ne peut entendre que la voix préenregistrée d’une quelconque pouffiasse, j’ai pu entendre sa voix caramel. Suave et brisée. Qui disait son prénom et son nom.
Ce simple détail m’a fait chaud au cœur.
Je lui ai laissé un bref message, futile, qui disait que je lui envoyais un peu de soleil et de ciel bleu.
J’ai attendu fébrilement toute la journée qu’il rappelle, je me disais qu’il allait forcément rappeler.
Nous avions décidé de pique-niquer sur la plage ce soir.
J’ai donc attendu que mes parents quittent la plage vers 19h et partent faire les sandwichs pour retenter de l’appeler.
Cette fois deux sonneries puis sa voix.
J’étais aux anges.
Il y avait, un peu plus que d’habitude, une profonde tristesse dans sa voix.
Je n’ai jamais été vraiment capable de tenir une conversation de longue durée par téléphone.
Hormis avec quelques personnes, j’ai nommé Elle bien sûr avec qui je passais mes nuits à parler, Janet qui reste à chaque fois plus d’une heure et demie au bout du fil à chaque fois qu’on s’appelle, Maman les peu de fois où je l’ai eue au téléphone, et lui.
Il y a souvent des silences entre nous, mais comme je le dis à chaque fois, ils ne sont pas gênants. Ils sont naturels.
Et que ce soit lui ou moi, on trouve toujours quelque chose à se dire.
Il m’a dit qu’il était en train de préparer un barbecue.
Étonnée, je lui ai demandé s’il faisait ça sur son balcon.
Il a répondu que non, qu’il était à la campagne chez ses parents et qu’il préparait le dîner pour ses parents, sa grand-mère, …
J’ai achevé sa phrase en disant « Ah oui, toute la famille quoi ! » mais il a répondu « Oui enfin, une partie. La plus importante » puis il a marqué un léger silence. « Après les enfants bien sûr ».
Je lui ai posé une question que je voulais lui poser déjà depuis un certain temps.
Le genre de questions que l’on pose à quelqu’un qu’on est en train de découvrir.
Une question bateau, banale.
« Et, tu as des frères et sœurs ? »
J’étais presque sûre qu’il allait répondre oui. En fait je l’imaginais bien avoir un frère.
« Oui j’ai un frère. Mais je ne le vois plus depuis des années. Ce n’est plus vraiment lui ma famille. Donc oui, j’ai un frère. »
Il marque de nouveau un léger silence.
« Et j’avais aussi une sœur. »
Je frissonne en entendant l’imparfait.
Voilà l’un des drames qui se cache derrière son regard brisé.
Derrière son sourire fragile tellement tellement beau.
« Mais elle est morte d’une maladie l’année de mon entrée en Terminale. C’était sa rentrée en Première. Cela a marqué mon année de Terminale. J’étais beaucoup plus proche d’elle que de mon frère. »
Je suis toute retournée.
Je ne sais pas quoi dire, forcément, mais, contrairement, à d’autres situations vécues par ailleurs, je ne suis pas vraiment mal à l’aise.
Juste touchée qu’il me fasse cette confidence.
Et chamboulée parce que je me doutais bien qu’il y avait eu au moins un drame dans sa vie, mais je ne m’attendais pas à cela.
Il me parle de ses enfants.
Me dit qu’ils sont dans la Manche. Dans ma tête j’ajoute « avec leur mère ».
Sa fille passe matin et après-midi au club hippique.
Elle s’occupe des chevaux toute la journée.
Si notre histoire mène un jour quelque part, ma sœur et elle s’entendront bien là-dessus.
Mais son fils lui ne se plait pas du tout sur la plage.
Il a déjà hâte de rentrer.
J’ai de nouveau le sentiment que ce petit Robin ne supporte pas d’être continuellement séparé de son père.
La tendresse que ce dernier lui porte en est la preuve.
Si je connaissais cela et qu’on me l’arrachait, presque du jour au lendemain, je souffrirai. Enormément.
D’ailleurs c’est ce que j’ai vécu, lorsqu’ils m’ont séparée d’Elle.
Cette séparation forcée m’a fait découvrir de nombreux maux. Le manque, moral, intellectuel, physique, la séparation, l’injustice, la culpabilité, le doute, le regret, la colère, la frustration, et une certaine forme de deuil …
Je lui ai demandé s’il aimait le caramel.
-Oui, surtout le caramel, euh le caramel…
-Beurre salé ?
-Oui c’est ça !
-Tant mieux, c’est la spécialité ici ! Je vais t’en ramener.
La couleur de sa peau m’a toujours fait penser à du caramel. Il n’est pas si basané que ça mais c’est une association d’idées qui me plaît.
Il m’a remercié plusieurs fois de suite de l’avoir appelé.
Puis il m’a dit qu’il ne fallait peut-être pas que je bousille tout mon forfait.
Je lui ai dit qu’il me semblait que dans mon abonnement, je pouvais téléphoner de façon illimité chaque week-end.
Il m’a dit « Ah, comme Eugénie ! » j’ai dit « Oui ! Sauf que je ne suis pas une accro du téléphone, moi -parce que sa fille est accro du portable- et qu’à part toi je n’ai personne à appeler, alors jusque-là je n’avais pas vraiment essayé cette option ! »
Il s’est étonné : « mais t’as pas de nouvelles de tes camarades ? »
J’ai répondu : « si, si, mais ils m’écrivent plutôt des sms… ».
Il a eu l’air plutôt flatté d’être mon principal interlocuteur.
Quelques secondes avant de raccrocher il m’a dit « bon et ben, j’espère que c’était bien illimité ! ».
Comme on disait l’autre jour avec Garfu en discutant dans la voiture pour aller au Havre, rien ne se passe jamais comme on l’imagine.
Le rendez-vous au café n’avait rien du rendez-vous auquel vous pensiez tous, et cette conversation, pour moi, c’est exactement la même chose.
Les choses se passent toujours de manière inattendue entre nous, et cela me plaît.
Bien sûr cela aurait été pas mal que le rendez-vous au café se passe autrement, plus aventureux, plus audacieux, mais je l’aime d’un amour plein de tendresse et j’ai profondément envie de le connaître. Il m’intéresse, il me plaît.
Cette conversation téléphonique est bien plus belle que tout ce que j’avais pu imaginer.
Entre le dernier appel qui date de lundi soir dernier et celui d’aujourd’hui, je me suis imaginé un tas de choses. Que finalement ça allait plus vite que prévu.
Mais finalement non. Et c’est bien aussi comme ça.
Ce n’est que le début de la découverte.
Cela signifie aussi qu’on a du temps devant nous, et que la distance ne va pas forcément nous séparer.
Moi je dis que si l’été nous a rapprochés au lieu de nous séparer, c’est que le meilleur reste à venir.
Je ne fais pas de plans sur la comète, je laisse venir, cela me plaît comme ça.
Je ne sais pas ce qu’il se passera quand on se reverra.
Je voudrais qu’il me fasse monter chez lui.
Je voudrais pouvoir lui caresser la joue et le serrer dans mes bras.
Lui dire avec certains mots combien il compte pour moi.
Mais peut-être que tout sera encore une fois très différent de ce que j’imagine.
Je ne veux pas que ce soit forcément conforme aux lois habituelles de rendez-vous entre un homme et une jeune fille qui s’apprécient.
De toute façon cela fait bien longtemps que j’ai commencé et je ne vois pas pourquoi pour la première fois de ma vie, je m’arrêterais et me mettrais à faire quelque chose de conforme à l’idée commune.
Je ne fais jamais rien comme tout le monde, mais au fond, je cherche juste à aimer et à être aimé. Et ça c’est sûrement ce que la plupart des gens cherchent.
Ce pourquoi nous luttons tous, jour après jour.
Plus que la réussite, la gloire et la fortune.
J’aime ce qui se passe entre lui et moi.
C’est calme, lent, mais c’est doux et beau.
Exactement ce qu’il me faut.
Et cela ne manque pas d’espoir.
Elles m’ont encouragée à le faire, j’ai donc pris sur moi, ai attrapé mon portable dans la petite poche de mon sac et ai cherché son nom dans mon répertoire.
Les cinq sonneries et son répondeur. Mais, contrairement à celui de son fixe sur lequel on ne peut entendre que la voix préenregistrée d’une quelconque pouffiasse, j’ai pu entendre sa voix caramel. Suave et brisée. Qui disait son prénom et son nom.
Ce simple détail m’a fait chaud au cœur.
Je lui ai laissé un bref message, futile, qui disait que je lui envoyais un peu de soleil et de ciel bleu.
J’ai attendu fébrilement toute la journée qu’il rappelle, je me disais qu’il allait forcément rappeler.
Nous avions décidé de pique-niquer sur la plage ce soir.
J’ai donc attendu que mes parents quittent la plage vers 19h et partent faire les sandwichs pour retenter de l’appeler.
Cette fois deux sonneries puis sa voix.
J’étais aux anges.
Il y avait, un peu plus que d’habitude, une profonde tristesse dans sa voix.
Je n’ai jamais été vraiment capable de tenir une conversation de longue durée par téléphone.
Hormis avec quelques personnes, j’ai nommé Elle bien sûr avec qui je passais mes nuits à parler, Janet qui reste à chaque fois plus d’une heure et demie au bout du fil à chaque fois qu’on s’appelle, Maman les peu de fois où je l’ai eue au téléphone, et lui.
Il y a souvent des silences entre nous, mais comme je le dis à chaque fois, ils ne sont pas gênants. Ils sont naturels.
Et que ce soit lui ou moi, on trouve toujours quelque chose à se dire.
Il m’a dit qu’il était en train de préparer un barbecue.
Étonnée, je lui ai demandé s’il faisait ça sur son balcon.
Il a répondu que non, qu’il était à la campagne chez ses parents et qu’il préparait le dîner pour ses parents, sa grand-mère, …
J’ai achevé sa phrase en disant « Ah oui, toute la famille quoi ! » mais il a répondu « Oui enfin, une partie. La plus importante » puis il a marqué un léger silence. « Après les enfants bien sûr ».
Je lui ai posé une question que je voulais lui poser déjà depuis un certain temps.
Le genre de questions que l’on pose à quelqu’un qu’on est en train de découvrir.
Une question bateau, banale.
« Et, tu as des frères et sœurs ? »
J’étais presque sûre qu’il allait répondre oui. En fait je l’imaginais bien avoir un frère.
« Oui j’ai un frère. Mais je ne le vois plus depuis des années. Ce n’est plus vraiment lui ma famille. Donc oui, j’ai un frère. »
Il marque de nouveau un léger silence.
« Et j’avais aussi une sœur. »
Je frissonne en entendant l’imparfait.
Voilà l’un des drames qui se cache derrière son regard brisé.
Derrière son sourire fragile tellement tellement beau.
« Mais elle est morte d’une maladie l’année de mon entrée en Terminale. C’était sa rentrée en Première. Cela a marqué mon année de Terminale. J’étais beaucoup plus proche d’elle que de mon frère. »
Je suis toute retournée.
Je ne sais pas quoi dire, forcément, mais, contrairement, à d’autres situations vécues par ailleurs, je ne suis pas vraiment mal à l’aise.
Juste touchée qu’il me fasse cette confidence.
Et chamboulée parce que je me doutais bien qu’il y avait eu au moins un drame dans sa vie, mais je ne m’attendais pas à cela.
Il me parle de ses enfants.
Me dit qu’ils sont dans la Manche. Dans ma tête j’ajoute « avec leur mère ».
Sa fille passe matin et après-midi au club hippique.
Elle s’occupe des chevaux toute la journée.
Si notre histoire mène un jour quelque part, ma sœur et elle s’entendront bien là-dessus.
Mais son fils lui ne se plait pas du tout sur la plage.
Il a déjà hâte de rentrer.
J’ai de nouveau le sentiment que ce petit Robin ne supporte pas d’être continuellement séparé de son père.
La tendresse que ce dernier lui porte en est la preuve.
Si je connaissais cela et qu’on me l’arrachait, presque du jour au lendemain, je souffrirai. Enormément.
D’ailleurs c’est ce que j’ai vécu, lorsqu’ils m’ont séparée d’Elle.
Cette séparation forcée m’a fait découvrir de nombreux maux. Le manque, moral, intellectuel, physique, la séparation, l’injustice, la culpabilité, le doute, le regret, la colère, la frustration, et une certaine forme de deuil …
Je lui ai demandé s’il aimait le caramel.
-Oui, surtout le caramel, euh le caramel…
-Beurre salé ?
-Oui c’est ça !
-Tant mieux, c’est la spécialité ici ! Je vais t’en ramener.
La couleur de sa peau m’a toujours fait penser à du caramel. Il n’est pas si basané que ça mais c’est une association d’idées qui me plaît.
Il m’a remercié plusieurs fois de suite de l’avoir appelé.
Puis il m’a dit qu’il ne fallait peut-être pas que je bousille tout mon forfait.
Je lui ai dit qu’il me semblait que dans mon abonnement, je pouvais téléphoner de façon illimité chaque week-end.
Il m’a dit « Ah, comme Eugénie ! » j’ai dit « Oui ! Sauf que je ne suis pas une accro du téléphone, moi -parce que sa fille est accro du portable- et qu’à part toi je n’ai personne à appeler, alors jusque-là je n’avais pas vraiment essayé cette option ! »
Il s’est étonné : « mais t’as pas de nouvelles de tes camarades ? »
J’ai répondu : « si, si, mais ils m’écrivent plutôt des sms… ».
Il a eu l’air plutôt flatté d’être mon principal interlocuteur.
Quelques secondes avant de raccrocher il m’a dit « bon et ben, j’espère que c’était bien illimité ! ».
Comme on disait l’autre jour avec Garfu en discutant dans la voiture pour aller au Havre, rien ne se passe jamais comme on l’imagine.
Le rendez-vous au café n’avait rien du rendez-vous auquel vous pensiez tous, et cette conversation, pour moi, c’est exactement la même chose.
Les choses se passent toujours de manière inattendue entre nous, et cela me plaît.
Bien sûr cela aurait été pas mal que le rendez-vous au café se passe autrement, plus aventureux, plus audacieux, mais je l’aime d’un amour plein de tendresse et j’ai profondément envie de le connaître. Il m’intéresse, il me plaît.
Cette conversation téléphonique est bien plus belle que tout ce que j’avais pu imaginer.
Entre le dernier appel qui date de lundi soir dernier et celui d’aujourd’hui, je me suis imaginé un tas de choses. Que finalement ça allait plus vite que prévu.
Mais finalement non. Et c’est bien aussi comme ça.
Ce n’est que le début de la découverte.
Cela signifie aussi qu’on a du temps devant nous, et que la distance ne va pas forcément nous séparer.
Moi je dis que si l’été nous a rapprochés au lieu de nous séparer, c’est que le meilleur reste à venir.
Je ne fais pas de plans sur la comète, je laisse venir, cela me plaît comme ça.
Je ne sais pas ce qu’il se passera quand on se reverra.
Je voudrais qu’il me fasse monter chez lui.
Je voudrais pouvoir lui caresser la joue et le serrer dans mes bras.
Lui dire avec certains mots combien il compte pour moi.
Mais peut-être que tout sera encore une fois très différent de ce que j’imagine.
Je ne veux pas que ce soit forcément conforme aux lois habituelles de rendez-vous entre un homme et une jeune fille qui s’apprécient.
De toute façon cela fait bien longtemps que j’ai commencé et je ne vois pas pourquoi pour la première fois de ma vie, je m’arrêterais et me mettrais à faire quelque chose de conforme à l’idée commune.
Je ne fais jamais rien comme tout le monde, mais au fond, je cherche juste à aimer et à être aimé. Et ça c’est sûrement ce que la plupart des gens cherchent.
Ce pourquoi nous luttons tous, jour après jour.
Plus que la réussite, la gloire et la fortune.
J’aime ce qui se passe entre lui et moi.
C’est calme, lent, mais c’est doux et beau.
Exactement ce qu’il me faut.
Et cela ne manque pas d’espoir.
Ecrit par inconsciente, le Samedi 11 Août 2007, 15:37 dans la rubrique Vacances.