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Croiser les doigts ne sert à rien
Mardi dernier, environ une heure avant d'apprendre la mort de Linda, je me trouvais dans notre cuisine avec Garfu et Mél. Et j'étais super mal.
Une sorte de malaise qui m'envahissait. Mélange d'immense fatigue, de nervosité, de colère, de stress. Sûrement dû au week-end douloureux que je venais de passer.

Il lui reste environ huit jours à vivre, disaient les médecins à propos de mon grand-père.
Retourner au Havre pendant une semaine alors que toute la famille était chez moi et surtout après avoir entendu ça, c'était difficile...


Et puis je suis entrée dans la salle 220, et j'ai entendu quelqu'un murmurer que la prof de socio était morte.
J'ai limite rigolé en disant Nan mais arrête de déconner, c'est pas drôle.
Et puis j'ai lu dans les yeux de Laurène que c'était la vérité.

Je me suis retournée et suis restée immobile et silencieuse pendant dix minutes.
Ensuite la prof de com est arrivée (en retard) et le cours a commencé.

Je n'arrivais pas à empêcher mes larmes de couler.
Des larmes lentes et brûlantes, qui ne s'écrasaient pas sur mon cahier mais qui roulaient le long de mon cou.

Quand je suis rentrée le soir, j'ai appelé ma mère et là j'ai commencé à pleurer, en lui racontant l'accident dramatique qui avait emporté notre Linda et sa petite Clara.
Puis je n'ai pas réussi à m'arrêter de pleurer pendant une heure. Je ne pouvais plus rien faire. J'étais paralysée, anéantie.
J'ai mangé un peu, et j'ai attendu, à la table de la cuisine, que Garfu rentre.
Je n'avais pas le courage de débarasser mon assiette, pas le courage de faire la vaisselle.
Il me fallait un sourire, des bras, de l'affection. De l'humain.

J'ai pris le bus ce matin, vers 8h30, et suis arrivée vers 8h50 au Mesnil Esnard.
Dix petites minutes de marche et j'ai aperçu l'église Notre Dame.
Quelques voitures étaient déjà sur le parking.
Les gens attendaient à l'intérieur, parce qu'il faisait froid.

J'ai aperçu un banc, auprès de l'église, et m'y suis installée en attendant que quelqu'un me fasse signe d'entrer.
J'ai laissé un mot sur le registre, mot dont je ne me souviens même plus.
J'ai glissé la carte que toute ma classe avait signée à la fin du cahier, et je suis entrée dans l'église.

Une autre étudiante de l'IUT s'est installée à côté de moi.
Nous n'étions que deux élèves.
Quelques minutes plus tard, mon beau Clooney est arrivé, accompagné d'un homme plus vieux que lui.
Il m'a fait un rapide sourire mais son visage était dévasté par la peine.
Il s'est assis, à quatre places de moi.

J'aurais voulu être plus près de lui, j'aurais voulu partager ma douleur avec lui.
Et puis son attitude, si noble, si inaccessible, presque hautaine, m'a fait comprendre brutalement que jamais jamais je ne serai à sa hauteur.

L'église s'est ensuite remplie à une vitesse ahurissante et dès les premières notes d'orgue, mes larmes se sont remises à couler.
Puis le cercueil, en bois clair, est arrivé.

Mon coeur a tressailli, imaginant l'état de Linda et de Clara à l'intérieur de la boîte.

Il y avait des fleurs, partout.
Des banderoles avec son prénom.
Avec l'université du Havre.
Avec l'IUT aussi.

Je me sentais petite fourmi parmi tous ces gens.

Linda connaissait-elle seulement mon prénom ?

Peu importe.
Moi je l'aimais.
Et sa mort m'a mise dans un état de détresse que je n'avais jamais connu auparavant.

J'entendais les mouchoirs éponger les nez.
Les revers de manches essuyer les larmes, avant qu'elles n'aient fini leurs chemins.

En écoutant les paroles du prêtre, j'avais envie d'hurler.
J'avais l'impression qu'il avait pris un texte quelconque, un texte bâteau, et qu'il mettait le vrai prénom de Linda dans les trous correspondants.
C'était à hurler de rage.

Les paroles des quelques personnes qui voulaient parler d'elle, dénuées (ou presque) d'humanité, me révoltaient aussi.
Mais peut-être que dans ces cas là, on est révolté par tout ce qu'on entend.
Bien sûr des choses belles ont été dites mais...

Mais j'avais l'impression que si j'étais venue m'installer derrière le micro, j'aurais pu parler d'elle mieux que les autres.
Mieux que ces autres qui la connaissaient bien mieux que moi.
En tout cas avec plus d'humanité et plus d'émotion.
Plus de tendresse.

Mais j'ai trouvé cette pensée affreuse et me suis foutu des claques intérieurement.

Il a ensuite fallu que l'on se présente tous, un à un, devant le cercueil de Linda.
Tous l'aspergeaient d'eau.

Je n'ai pas eu envie. Pas eu le courage. Je ne voyais rien car mes yeux étaient floutés par les larmes. J'ai juste vu le cercueil aspergé d'eau. Comme si on avait pleuré dessus.
Mais ces gouttes d'eau ne ressemblaient pas à des larmes. On aurait dit de la pluie.
De la pluie, toute simple, banale, une pluie idiote.
Une pluie conne.

Je n'ai pas eu envie d'arroser Linda d'eau bénite.

J'ai serré mon index et mon majeur l'un contre l'autre, les ai embrassés et j'ai déposé ce baiser, du bout de mes doigts, sur le cercueil trop lisse.

Je suis sortie de l'église, j'ai fait le tour du parking puis suis revenue, auprès de quelques uns de mes profs.
À un moment, Monsieur G m'a murmuré : Tu es venue en bus, Marie ? Je te raccompagnerai après...
Puis Clooney est arrivé, il est passé près de moi et est allé rejoindre d'autres collègues, plus loin.

Il est revenu un peu plus tard.
La famille se dirigeait vers le cimetière pour l'inhumation.
Il a dit qu'il y allait.

Je suis restée avec les autres.

Pourtant j'avais l'impression que mon coeur criait au cercueil qui s'en allait là-bas :
Adieu Linda ! Je ne suis pas de ta famille, je n'ai rien à faire là-bas mais... Je ne t'oublierai jamais, Linda !

Clooney est revenu quelques minutes plus tard, essuyant encore des larmes :
-C'est trop dur... Je ne peux pas. Et puis... C'est pour la famille.

Je regardais ses pieds, ses beaux mocassins noirs, qui allaient, venaient.
J'écoutais leurs petits dialogues de profs. Les voix étaient un peu moins tristes.

Et puis ses pieds sont revenus vers moi.
J'ai relevé la tête et il m'a demandé si j'avais eu Linda comme prof.
J'ai dis que :
-oui, en cours magistraux et en TD.
..
-Je ne savais pas... Je ne pensais pas qu'elle enseignait aux premières années

Il me vouvoyait. Je n'aimais pas ça.
Il me vouvoie toujours mais...
Mais d'habitude ce n'est pas si solennel. C'est plus... Flatteur. You. C'est plus doux.
Mais c'était peut-être parce que je me sentais un peu mal, seule élève au milieu d'une dizaine de profs.
En même temps c'est ça ma vie. Ça a toujours été comme ça.

Peut-être voulait-il souligner le fait que j'étais la seule élève ?
Et monsieur G qui venait de dire que j'allais avoir 18 ans...

Enfin bref, tous mes films s'écroulaient. Mes films montés sur des piliers de vide, bien sûr.

Lorsque monsieur G a dit "On y va, Sam ?", Clooney s'est penché vers moi et m'a dit, de cette voix particulièrement suave : Vous habitez... Rouen-même ?
J'ai répondu oui.
-Vous repartez ... ?
-On va la raccompagner !
a dit monsieur G.

Je me suis éloignée, me retournant une dernière fois pour regarder mon sublime Clooney, puis me suis engouffrée dans le petit bolide jaune de monsieur G.

Près du Théâtre des Arts, Sam est descendu pour me laisser sortir, j'ai remercié monsieur G, Sam m'a dit Tchao et je suis allée marcher un peu en ville.
Soudain j'ai eu faim, je suis allée dévaliser une boulangerie puis j'ai rejoint ma mère à son bureau.

Avant de prendre le bus ce matin, je suis allée voir mon grand-père à la clinique.
Il pleurait de douleur. C'était horrible à voir.
En sortant de la chambre, je me suis aggripée au mur pour ne pas tomber dans les pommes.
Et puis ma mère m'a redonné un calmant.

Je ne me suis jamais sentie aussi mal.
Est-ce ça le deuil ? Ou bien est-ce ça une dépression ?

Vendredi, alors que je m'écroulais sur un banc, à l'IUT, Julie m'a dit :
Oh Marie.. T'as l'air épuisée... Psychologiquement !

Et c'est exactement ça.
Je suis à bout de nerfs.

Vivement la semaine prochaine, la fête, Disneyland, et Sylvaine peut-être...
Mais il n'empêche qu'un évènement terrible se prépare.


Ecrit par inconsciente, le Samedi 8 Mars 2008, 19:12 dans la rubrique Aujourd'hui.

Commentaires :

AboveTheClouds
AboveTheClouds
08-03-08 à 20:09

Courage... J'connais pas le deuil. Pas vraiment, pas d'un proche je veux dire... J'ai pas hâte d'expérimenter ça.
Mais je pense à toi quand même, toi que je ne connais pas, mais en même temps que je connais si bien.
Te laisse pas dévorer, tirer vers le fond. Faut se battre. Même si la vie est pas toujours facile, pas toujours juste, faut vivre chaque jour qui nous est donné, prendre chaque respiration comme une bénédiction, et jamais oublier de vouloir, jamais oublier d'avoir des rêves...
Bonne chance Inconsciente, même si on se connait pas, je veux dire pas dans la vie 'réelle' (mais celle-là est elle iréelle? je sais pas) t'es dans mes prières...

 
inconsciente
inconsciente
09-03-08 à 16:31

Re:

Je considère ma "vie" sur Joueb tout aussi réelle que celle que je vis ailleurs.
Cet endroit fait partie de ma vie, de ma vie toute entière.
Et vous tous aussi.

Ici il y a l'hypocrisie en moins.
On y laisse l'essentiel.
On y est plus nous qu'ailleurs.
Enfin en ce qui me concerne en tout cas...

Merci pour tout.
Mes rêves je les oublie pas. Je garde la force.
Je me dis que cette semaine de merde est bientôt terminée et que la prochaine va être meilleure.
Va être très bonne même.
Pas trop de travail, beaucoup de fête.

Je t'envoie plein d'amour

 
Chivato
08-03-08 à 20:34

"Inconsciente", si je pouvais détenir les clés pour soulager votre peine, je vous les livrerais sans réserve. "Croiser les doigts" ne sert à rien mais je peux juste vous raconter un petit truc décalé. Je l'ai appris en dialoguant dans les airs au dessus de l'Afrique auprès d'un voisin d'avion il y a qques années, et aussi parce que mes propres racines ont 10000 km d'écartèlement.

Au risque de vous choquer, ailleurs (en Afrique, par exemple, et pour faire simple...) votre deuil qui s'annonce serait une fête qui se prépare. Car un ancien - on dit un ancêtre - est dépositaire de l'histoire, de la sagesse, de la réussite éventuellement, de la mémoire certainement. Son décès est l'occasion d'un hommage et d'une fierté sans pareil. A charge pour les descendants de mener une vie aussi riche, au profit des suivants.

Ca n'a rien à voir avec notre civilisation occidentale, je conçois que cela puisse choquer.

Si je ne me trompes, vous avez habillé votre blog de couleur ces jours derniers, c'est le sens de ma remarque. Vous êtes dans le juste.


 
inconsciente
inconsciente
09-03-08 à 16:33

Re:

Linda se passionnait des pratiques des cultures étrangères...

Je trouve cela fabuleux de transformer un évènement plutôt triste en une grande fête.
Merci de ce témoignage, il me semble en avoir déjà entendu parler...
Cela redonne une nouvelle vision des choses, sans ôter la peine bien sûr.

Merci



 
exvag
exvag
08-03-08 à 21:16

Vivement la semaine prochaine,
Tu le mérite bien,
Un peu de mieux.


 
inconsciente
inconsciente
09-03-08 à 16:33

Re:

Oui ! Vivement la semaine prochaine !
Vivement demain qu'elle commence !
:)

 
Elwinwea
Elwinwea
08-03-08 à 22:47

Je ne sais aps quoi te dire. Un deuil n'est jamais le même, d'une fois à l'autre. Même si c'est une douleur sourde qui te déchire de l'intérieur à tel point que tu as envie de crier, même si c'est un cri de rage qui te fait pleurer, même si ce sont des larmes de tristesse sourde qui t'emprisonnent...

Je ne sais pas quoi dire, pas quoi faire, sinon que je suis là et que où que tu sois et quoi que tu fasses je pense fort à toi et je t'envoie tout l'amour possible.

C'est bien peu, et j'aimerais tant faire plus...

 
inconsciente
inconsciente
09-03-08 à 16:34

Re:

C'est énorme ma Roxanne.
Énorme.

Et les gens qui m'entourent de façon moins virtuelle que toi ne sont pas tous capables de me donner tant d'affection que toi.

;)

 
Delirium-Tremens
Delirium-Tremens
10-03-08 à 17:30

Je sais pas si c'est des bons mots, je sais pas si ça sert à quelque chose, je voudrais pouvoir t'aider et te soutenir mais c'est pas possible... J'espère que ça va aller, que tu vas tenir le coup, j'espère que tu vas retrouver un peu de ton moral, j'espère que tout ça ne te tirera pas d'avantage dans la peine... Je te souhaite le meilleur, et te dis Courage...

 
inconsciente
inconsciente
11-03-08 à 10:41

Re:

Merci beaucoup :)