Il est 18h45 et il pourrait être n'importe quelle heure.
Le ciel est indéfinissable.
Morose mais pas désespéré.
Il pourrait être 8h comme 14h.

Il m'a encore écrit un mail.
Mais, et je ne sais pas pourquoi, il m’a vouvoyée.
Comme il l’a écrit vers 7 heures du matin, il pensait peut-être à autre chose.
Ou alors c’est une piste pour que je le tutoies.
Je me plais à dire qu’il va répondre en me disant « c’était pour te montrer à quel point c’est crispant d’être vouvoyé. Alors tutoies-moi ! ».
Mais faut pas que je rêve ou je vais être déçue.

Je me dis de plus en plus que notre histoire n’est pas impossible.
Qu’il est tout seul.
Et que peut-être il aura du mal à vivre sans amour pendant une longue durée.
Surtout que moi je déborde d’amour pour lui.
Je déborde de tendresse. D’affection.

Je reviens du cinéma. Je suis allée voir « Dialogue avec mon jardinier ».
C’était très beau. Simplicité, émotion, rire.
Comme c’est la fête du cinéma il y avait un monde de fous dans la queue.

Il y avait quelqu’un qui puait l’alcool. Beuuh.

Mon père se retourne vers moi (oui parce qu’il est venu avec moi, chose rare à marquer d’une pierre blanche).

Madre mia. J’ai l’impression que c’est lui qui sent l’alcool.
On s’installe. Aux deux dernières places au dernier rang en haut à gauche. Et bien sûr je pense à Elle car on s’installait toujours là quand on allait au cinéma. Pour pas se faire repérer.
Il me parle.

Oh oui c’est bien lui. Dios mio. Mais pourquoi est-ce qu’il pue l’alcool à 16h20 un dimanche après-midi ?

Alors OK il a un méga lumbago qui le fait bien souffrir –mais pas tant que ça je suis sûre qu’il en fait des caisses pour faire sa victime de la vie « Oh pourquoi il ne m’arrive jamais rien de bien, pourquoi à chaque fois que je veux faire quelque chose il faut que ça s’écroule, et gna gna gna »- mais bon il ne va peut-être pas se bourrer la gueule juste pour ça.

Hier soir c’était VIVACITÉS dans la ville d’à côté. Pendant trois jours, dans un grand parc, on peut assister à un tas de petits spectacles en plein air, musique, théâtre, etc.
Je n’y vais jamais mais là j’avais vu à la télé un reportage sur l’un des spectacles qui s’inspirait du mythe d’Orphée.

J’ai toujours dit que je rêvais de voir au moins une fois ce mythe joué. Si possible que quelqu’un ait la bonne idée de jouer sur les planches la réécriture de Cocteau, mais le mythe tout seul me suffit.
Le spectacle était magique. Les personnages nous entraînaient à travers les bois pour retrouver Eurydice. Alors on suivait Orphée dans sa quête, croisant des personnages farfelus, traversant le parc, de nuit, éclairés par les torches de quelques infirmiers étranges.

Et sinon qu’est-ce que tu as fait ce week-end ?
Et bien je suis allée aux enfers chercher Eurydice mais cette nouille-là a absolument tenu à ce qu’Orphée la regarde alors que cela lui était interdit, et donc elle est retournée direct aux enfers. Tout ça pour ça.

Le spectacle était accompagné d’un orchestre et d’une chorale.
C’était magique. Vraiment.
Je ne regrette pas une seconde d’être restée debout plus de trois heures.

Ce matin en me réveillant j’avais un mail du Prince.
Ce que je ne comprends pas c’est qu’il me vouvoie encore.
« Je vous souhaite une bonne soirée ».
Il n’a donc pas répondu à mon objection d’hier.
Par contre, à la fin du mail il a écrit « Bisous »…
Il m’a aussi expliqué que durant la soirée il avait beaucoup eu ses enfants au téléphone et il rajoute entre parenthèses que « c’est très très dur ».
Maintenant l’hypothèse que j’avais posée est bien véritable.
Ceux à qui il téléphone le midi sont bien ses enfants.

Il faut que je lui réponde mais je voudrais lui dire tant de choses.
Lui dire tout ce qu’on ne peut pas dire avec les mots.

Tout ce qu’on ne peut dire qu'avec les mains.

Modif de 10h08 :
Voilà je lui ai répondu et parmi ce que j'ai écrit il y avait ça :
"Bonne journée mon petit (grand) prince, prenez bien
soin de vous et de vos enfants, si vous avez besoin de
tendresse j'en ai des litres à revendre."

et en dessous j'ai recopié ces quelques paroles de cette chanson de Françoise Hardy que j'adore
"Si le dégoût de la vie vient en toi
Si la paresse de la vie s'installe en toi
Pense à moi..."

En appuyant sur "envoyer" j'ai eu très chaud et très froid en même temps.

La conclusion de cet article sera que je suis vraiment fêlée.