Dernière journée de stage. Trois semaines qui ont passé à une vitesse ahurissante.
Vague sentiment de tristesse. Vague sentiment de joie. Vague lassitude. Des cons il y en a partout.
Je suis en tout cas très très heureuse d'avoir fait la connaissance de certains d'entre eux.
Je me demande ce qu'ils pensent de mon départ.
Lucie m'a dit que j'allais leur manquer, qu'ils aimeraient bien avoir des stagiaires comme moi tous les jours. Mais je n'étais pas si proche d'elle. Enfin je ne sais pas.
Je suis derrière mon petit poste miteux, A bidouille ses photos.
En fond, Song for lovers de The Do. Petite mélancolie dans l'air.
Je ne peux m'empêcher de penser que ça lui fait un peu quelque chose quand même.
J'ai adoré ses regards, j'ai adoré ses sourires.
Et si les autres jours son sourire était un peu carnacier, ou du moins plein de malice et d'ironie, il était très doux aujourd'hui.

Une pensée. Même minime. Minuscule. Une esquisse. Une parole. Une image entrevue. Le froid tout autour. Et le feu au milieu.

Je me suis aussi posé une question existentielle.
Est-ce que pour séduire il faut obligatoirement se chamailler ?
Moi je n'aime pas procéder comme ça.
Je suis gentille avec ceux que j'aime. Je suis tendre, bonne comme le pain. Peut-être même un peu cruche.
Je suis sympa. Un peu drôle aussi. Mais sympa.

Calme. Comme un secret qui enveloppe. Moment d'intense amour-propre. De complicité égoïste.

Et puis il y a Nino, enfermé dans son bureau, qui joue avec les mots, qui en bave, qui court après la montre. Il a les mêmes yeux doux que Sylvaine, il a un rire d'une clarté similaire. Une simplicité, et une petite douleur dans le regard. Il n'est pas beau. Seulement humain.

Et le deuxième coeur qui se met à battre, très lentement, profondément, silencieusement, on pourrait même dire sensuellement. Étouffé. Personne ne l'entend tant son battement est sourd. Il chuchote qu'il voudrait être écrasé.

Du bien. Beaucoup de bien.
Un nouvel air, de nouvelles préoccupations, toujours ce manque/besoin immense de tendresse. Mais ça va. Je comble comme je peux. Il y a la musique, la fierté d'avoir mon nom dans l'ours, leurs délires et leurs problèmes à eux, Pénélope chaque matin, Paris demain, le retour au Havre dans une semaine, et cette vie-là qui recommence.
Loin de Prince. Loin de ses silences.
A-t-il lu mon message d'amour ?

Va-t-on laisser le battement s'estomper, le laisser s'en aller, attendre le prochain ?
Ou bien va-t-on l'attiser, le raviver, le provoquer ? Jusqu'à ce que le coeur explose ?

J'ai de grands élans qui me vrillent les pensées. Je suis très bien toute seule, je m'en sors très bien comme ça. J'en ai marre de la solitude, je voudrais des bras, je voudrais une tendresse réciproque.

Étrange mélange ce cocktail désir-mélancolie. Le gingembre, à coup sûr.