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Maman
Maman était ma prof de français en 2nde.

Nous ne nous connaissions pas.
J’avais déjà entendu parler d’elle par une amie de la famille qui était sa meilleure amie.
Mais je ne l’avais jamais vue.

Je me souviens du jour de la rentrée en 2nde.
C’était un peu étrange parce que ma liaison avec Elle avait déjà commencé et l’on s’envoyait alors des regards brûlants à travers la cour.
Je m’étais mise au premier rang avec E.
Maman m’avait souri et je lui avais rendu un sourire tendre.
Quelques jours après elle me devenait indispensable, sans que je m’en rende compte.
Je me suis mise à l’aimer, plus fort que tout.

Il faut dire qu’elle est une prof remarquable.
Elle t’apprend des choses avec passion.
Et puis elle donne sans cesse de l’affection à ses élèves.

Je me souviens d’un jour où elle nous rendait nos copies, désastreuses, et, juste avant de distribuer le gros paquet de toutes ces affreuses notes, elle avait dit « Vos notes sont catastrophiques, mais ça n’empêche pas que je vous aime ! ».

Je me suis reconnue en elle.
Elle m’a aidé à me comprendre, à savoir qui j’étais.
En me revoyant mon propre reflet dans ses actes et dans les sensations qu’elle décrivait.
C’était magique.
Je n’avais jamais connu un pareil sentiment de fusion.

Car même si j’étais très très proche d’Elle et qu’on était presque comme deux jumelles, avec nos queues-de-cheval, nos lunettes, notre style sérieux avec une petite note de fantaisie, nos corps qui s’encastraient à la perfection, nous avions quand même de nombreuses différences, et d’ailleurs je crois que dans un couple c’est mieux d’être un peu différent.

Mais avec maman, on était pareil. Mais pas pareil physiquement.
Il n’y a que les yeux bleus et le nez qui s’étire quand on sourit que nous avons en commun.

Non, on était pareil dans la vision des choses, dans notre vision de la vie.
Dans nos petites habitudes, dans nos petites manies, dans ce qui nous émouvait, et ce qui nous rendait folles de rage.
Le même cœur.
Et le même regard.

En février, ma vie a tourné au drame et la seule personne à laquelle j’ai pensé lorsqu’il me fallait trouver un peu de lumière si je voulais m’en sortir et ne pas décider de mettre fin à mes jours, c’était elle.

Je disais que je ne voulais parler qu’à elle.
Que je voulais la voir avant de retourner en classe.

Nous n’avons pas pu nous voir, mais elle m’a téléphoné pendant une longue demi-heure le dimanche matin, veille de la rentrée des vacances de février.

Les évènements se sont succédé.
Le soir qui a suivi la confrontation, elle m’a de nouveau appelée pendant presque une heure.
Elle m’a fait pleurer. Mais c’était nécessaire.

Je lui ai dit qu’à mon départ de Madrid, mon cousin m’avait offert un album d’Obispo.
Et que je n’écoutais plus que ça.
J’ai calculé qu’on pouvait écouter Lucie vingt et une fois par heure.
Je devais bien l’écouter cent fois par jour.

C’est aussi comme ça qu’elle m’a aidée.
En m’apprenant que C’est la musique qui nous fait supporter la vie.

Les mois ont passé, notre première représentation s’est merveilleusement déroulée et là elle m’est devenue plus qu’indispensable.
Maman était gravée en moi, tatouée, ancrée dans mes viscères.

Aucun sang commun ne nous réunit, mais le lien qui nous relie est bien plus fort encore.

Je pensais que la douleur que j’éprouvais à la fin de la 2nde, de me dire que je ne l’aurais plus jamais comme prof, ne serait jamais moins forte qu’autre chose.

Sauf bien sûr les douleurs éprouvées à la suite du drame de février.

Mais je me rends compte aujourd’hui que celle que j’éprouve en ce moment, de réaliser que plus jamais ça ne m’arrivera de la voir au moins quatre jours par semaine, est pire.

Mais pas pire que tout.

Cela me fait très mal, de perdre tous mes repères, toutes mes habitudes, qui sont encore tellement en moi, mais je sais que jamais on ne se perdra de vue.

L’amour qu’on se porte mutuellement est trop fort.

Ce qui est juste difficile à avaler, c’est de se dire que cela ne sera plus jamais dans le même contexte.
Et que d’autres auront la chance d’apercevoir sa petite bouille angélique tous les jours.


Ecrit par inconsciente, le Lundi 3 Septembre 2007, 23:13 dans la rubrique Les autres.