Il faisait beau, il y avait un monde fou en ville et le soleil essayait de retenir encore un peu mes taches de rousseur jusqu'au prochain jour ensoleillé. Jusqu'à ce que quelqu'un les trouve jolies.
J'ai trouvé magnifique sa petite fille. Les traits très fins, une expression très douce. Je me suis sentie sourire tristement en la regardant, mais pour me faire sourire joyeusement, Hélène m'a dit que j'étais belle avec ma jupe à petites fleurs.
Quand elle m'a raccompagnée jusqu'à l'ascenseur, on s'est embrassé très fort, comme pour se dire tout l'amour qu'on avait dans le coeur.
Pas besoin de se connaître tant que ça pour s'aimer beaucoup.
J'avais ensuite rendez-vous avec Aurélie.
En allant la rejoindre aux petites cuillères, j'ai croisé cinq filles du lycée.
L'une d'entre elles m'a exaspérée, à faire comme si elle me connaissait bien, comme si elle savait quelles sont les personnes importantes de ma vie.
J'ai secoué la tête comme pour l'enlever de mes pensées, j'ai essuyé mon front moite et j'ai marché droit vers la place où Aurélie m'attendait.
Elle avait trouvé une petite place à l'ombre, et nous avons discuté, profondément, comme nous le faisons toujours, autour de délices à boire et à manger.
Je suis rentrée et j'ai travaillé tout le dimanche sur cette foutue revue de presse que je devais présenter le lendemain.
Comme l'impression que cela faisait longtemps que je n'avais pas travaillé comme ça et que tout le boulot me tombait justement dessus en même temps.
Travailler dans l'urgence.
Je ne me souvenais plus à quel point j'adorais ça.
Mercredi, au lieu d'écrire au tableau "le mari de cette femme est docteur", Clooney a écrit "le marie de cette femme est docteur".
Quand je m'en suis rendu compte j'ai étouffé un rire, me suis mordu la joue droite pour ne pas sourire. Je me suis sentie devenir rouge coquelicot.
Je commençais à me cacher le visage avec mes mains lorsque Guillaume s'en est rendu compte et m'a regardé avec insistance...
Puis quelqu'un l'a enfin fait remarquer à Clooney qui l'a effacé en me disant :
-Ah c'est parce que je vous regardais !
Personne n'a retenu ses rires et il est bien sûr inutile de préciser qu'on m'a charriée tout le reste de la journée.
Il était très beau. Encore plus beau que d'habitude.
La pluie n'avait pas ébouriffé ses cheveux. Ils semblaient impeccablement coiffés.
Une jolie écharpe rose à rayures bleu marine était nouée autour de son cou. Un sourire calme sur ses lèvres.
Le simple fait de le regarder me faisait du bien, même si je ne savais pas pourquoi.
C'est étrange ces gens qui me calment. Ces gens qui me fascinent. Ces gens qui me feraient presque pleurer, juste parce qu'ils existent, juste parce que je les connais. Juste parce qu'ils vivent, là, devant moi.
Mais malgré ce léger éblouissement, je me sentais morose, dès le début de son cours.
Énervement de la lenteur des autres. Impression de ne pas avancer.
Je suis allée le voir à la pause, pour l'échange habituel de dvd, mais je ne me suis pas attardée.
Je me sentais grise. Et pas grisée.
Indifférente ou malmenée.
Aucun rapport avec lui puisqu'il ne m'apporte que du bon. Il n'est que bonus.
Mon sentiment d'énervement a grandi quand au cours suivant, on nous a rendu les rapports de stage.
13/20 pour le rapport, 15/20 pour le stage en général.
J'étais déçue, sans vraiment savoir pourquoi.
Je me suis dit que de toutes façons, ces notes étaient données à la tête du client, que c'était Sam qui les avaient données et qu'il n'avait sûrement pas saisi tout ce que j'avais mis dedans.
Pendant un stage, on vit trop de choses puissantes, trop de choses impalpables, trop de détails qui sont indescriptibles. Des détauls qu'on ne peut écrire dans le rapport puisqu'ils indiffèrent complètement le correcteur.
Sam me reprochait d'avoir passé plusieurs pages à expliquer ce que j'avais fait de mes semaines.
On ne te demande pas de faire un journal de bord !
Pourtant c'est bien ce qui m'importait à moi. Me souvenir de ce que j'avais fait, chaque jour.
Ce bonheur de tenir un Joueb en est d'ailleurs la preuve.
Je peux presque retrouver ce que j'ai fait de chacun de mes jours depuis avril 2005, via Joueb (j'ai d'ailleurs oublié de fêter mes trois ans de Joueb le 8 avril dernier...).
Ces notes m'ont énervée. J'ai toujours détesté les notes comme j'ai toujours détesté les âges.
Toujours des chiffres, des chiffres en trop. Maudits chiffres qui nous enferment dans des cases.
La journée s'est poursuivie.
Cours de géopolitique.
Je ne pouvais pas ne pas trouver tout intéressant, mais je ne pouvais pas non plus m'empêcher de penser que, en bonne petite grosse égoïste, je ne me sentais aucunement concernée par toutes ces grandes théories.
Je me suis ensuite dit que si tout le monde pensait comme moi, ce serait une catastrophe.
Et puis je me suis dit que je n'étais que moi, qu'après tout, ma durée sur Terre ne serait pas bien longue et que rien de ce que j'allais faire ne serait important.
Je me sentais faible. Pas faible physiquement pour une fois, non. Faible psychiquement. Presque humiliée. Comme en une dangereuse position de faiblesse. Paumée.
J'ai réfléchi toute la journée de mercredi à ce que j'allais bien pouvoir écrire ici.
J'ai écrit mille textes. Des pages et des pages. Des tonnes et des tonnes de mots. Sur tous les sujets. Sur n'importe quoi.
Mais dès qu'une nouvelle phrase se formulait dans mon esprit, la précédente s'effaçait, comme automatiquement.
J'avais des milliers d'images qui venaient dans ma tête, à chaque seconde.
Des souvenirs, des rêves. Des choses vécues, des films vus, des fantasmes, des paroles, des sourires, des regards. Des phrases tant répétées, trop entendues. Des sensations. Des frissons.
Et au final une grande amertume dans tout mon corps. Et même dans mon coeur.
Pourquoi suis-je partie ? Pourquoi ?
Est-ce à cause de cette impression effrayante de ne pas La connaître ? De La regarder et de me demander "Mais qui est-Elle ? Que fais-je dans Ses bras ? Qu'a-t-on vécu ? Un rêve ? Un cauchemar ?".
C'était à la fois trop dramatique et trop parfait pour être vrai.
Et pourtant Marie... Pourtant toi qui dis toujours que la vie serait mieux si elle ressemblait aux films que tu regardes à longueur de temps, c'était un vrai film que tu vivais.
C'était du cinéma.
Pas dans le sens mensonge et subterfuge, non.
C'était la vie.
Celle que tu remercies chaque jour par cette petite phrase courte, volée à un film, la vie que tu remercies pour sa cruauté et sa beauté.
Le soir, Aurélie est venue me rejoindre au Havre.
Je suis allée l'attendre à la gare.
J'ai essayé d'appeler Christine, simple envie de lui dire je t'aime de vive voix. Pas de réponse.
Quelques minutes plus tard, coup de fil de mon oncle.
Mes deux parents rêvés. Mes deux parents de coeur.
J'ai senti que la journée pouvait enfin bien commencer. Même s'il était plus de 18h30.
J'ai vu Aurélie arriver au loin, et toute la bêtise humaine s'est envolée, tout mon énervement, ma rage. Toute ma panique, ma peur de perdre ma liberté d'écrire, mon agacement, ce poids sur mon coeur.
Nous sommes allées voir Deux jours à tuer.
Plus qu'un film, une leçon de vie.
Un film que tout le monde devrait être obligé de voir.
Pour qu'enfin les idiots réalisent ce qu'ils perdent, minute après minute, à attendre que tout leur tombe tout cuit dans la bouche, à attendre un truc qui n'arrivera pas. Jusqu'au jour où une maladie ou bien un accident les emportera et où ils regretteront de n'avoir pas eu le courage de faire ce dont, au fond, ils mouraient d'envie.
Il faudrait qu'on soit tous sur le point de mourir pour être vraiment heureux.
Mais... Nous sommes tous sur le point de mourir.
Je voudrais vivre comme ça. Je voudrais vivre au jour le jour. Vivre au gré de ma spontanéité. Donner mon amour et le voir reçu, arrivé à bonne destination.
Mais les gens sont incapables. Ancrés dans leur petite vie rangée, dans la peur du désordre, sans rêves et sans courage.
Parfois je me demande si c'est moi qui ne tourne pas rond.
Si je suis folle à lier. Si je suis heureuse ou terriblement malheureuse.
Si je suis la seule à penser tout cela.
Et puis Albert Dupontel se met à incarner, à la perfection, ce que je ressens toute la journée.
Ce besoin de vivre. De vivre vraiment.
Et se sentir terriblement seul dans la sincérité.
Voilà mon problème, bien que je ne pense pas que cela en soit un, bien que je préfère avoir ce problème que de ressembler à tous les gens qui m'entourent.
Je suis trop honnête. Trop franche.
Quand j'aime je le montre. Quand je n'aime pas je le montre aussi.
Je ne suis pas calculatrice, je ne suis pas manipulatrice.
Je ne veux plus jamais mentir alors je ne fais que dire la vérité. Ma vérité. À longueur de journée.
J'en ai marre de faire des efforts qui ne sont jamais rendus.
Quand je n'attends rien, je reçois.
Mais quand j'attends, je ne reçois jamais rien.
Je suis fatiguée. L'attente m'use. L'effort aussi.
Les gens me font bien rire en me disant que j'ai 18 ans, que j'ai toute la vie devant moi, qu'il faut que j'arrête de vouloir précipiter les choses.
Mais putain si demain j'ai un accident, comme Linda.
Ma vie aura été une longue attente, à cause des autres.
Soit parce qu'ils m'ont empêchée de vivre, me mettant des menottes pour m'empêcher d'être heureuse, soit parce que ce sont eux qui se sont empêchés de vivre.
Je suis malheureuse pour eux.
Malheureuse pour lui.
Comme si je n'avais pas assez de ma propre détresse.
Il y des gens que je peux aimer gratuitement.
D'autres que je suis incapable d'aimer toute seule.
Je me démène pour que tout tourne bien, mais je ne serai jamais superwoman.
J'aurais voulu le rendre heureux, je m'en sentais capable. J'en étais capable.
Je ne crois plus qu'en l'amour de toutes façons.
En l'aimant je l'aurais sauvé ce Prince de malheur. J'en suis persuadée. C'est sûrement terriblement égocentrique de dire ça, mais j'assume.
Mon amour l'aurait sorti de cette vie de merde qui lui glaçait le sourire et lui figeait le coeur.
Il n'en a pas voulu.
Je ne sais plus bien ce que je dois faire.
Je voudrais que pour une fois, quelqu'un fasse un pas vers moi.
Il paraît qu'avant, c'était toujours les hommes qui faisaient "le premier pas".
Je n'ai jamais connu ça.
Je me replonge dans le passé, entre les lignes de mes Moleskine et de mes carnets à spirales.
Je ne me rappelais pas avoir été si juste, je ne me rappelais pas que j'avais eu des couilles à ce point là.
Je ne me rappelais pas avoir fait ces choses-là.
Je ne me rappelais pas que ma vie avait été si terrible, si dramatique, si cruelle.
J'avais peut-être préféré oublié.
N'en garder qu'une vague impression d'horreur, diluée avec le temps, mais qui ressort, comme neuve, lorsque j'entends des bribes de vocabulaire judiciaire ou que je vois une photo d'Elle.
Toutes ces choses sont tellement dans ma tête et dans mon histoire que je ne me rends plus compte de leur importance.
Alors quand je regarde tout ce chemin parcouru, en trois ans, ces trois ans qui m'ont semblé une éternité, je relativise quant à mes problèmes actuels.
Toute nue je l'ai déjà été. C'était bien pire que ça. Bien pire qu'aujourd'hui. Bien plus humiliant.
Alors c'est sûr, je ne pourrai plus écrire si librement ni vous donner tout ce que vous voulez lire maintenant que je sais qu'A me lit.
Je finirai par m'en aller d'ici, écrire ailleurs, jusqu'à ce que quelqu'un d'autre me retrouve.
Mais peut-être que demain je croiserai Dupontel et que, lui, ne se fera pas prier et me prendra comme je suis, sans vouloir perdre de temps, sans l'envie de se faire démesurément désirer.
On ne sait pas de quoi la vie est faite. Tout peut basculer à chaque seconde qui passe.
J'oublierai alors A instantanément et cela ne me fera plus rien que son regard vienne se poser ici.
Mais étant donné que mes chances de croiser Dupontel demain (et mes chances de lui taper dans l'oeil) sont très réduites, je vais attendre toute la journée que mon portable sonne et je serai sûrement déçue par son silence. Je partirai en week-end dépitée, et je retournerai triste et seule, prendre le train dimanche soir.
Dommage que les temps aient changé, que de nos jours ce soit chacun pour soi, que ces histoires d'amour démodées n'arrivent plus qu'au cinéma, qu'on devienne économe...
Et surtout économe des sentiments...
Commentaires :
On finira par tous s'en aller. Déposer les mots ailleurs sur la toile ou sur papier. On finira peut-être aussi par ne plus avoir le temps de le faire. On finira. Et on le sait. Je crois. Mais en attendant de conjuguer le futur, il reste une bonne dose d'aujourd'hui! :)
Des pensées...
BzOo
Re:
Même si c'est dans nos rêves. Même s'ils parlent d'avenir.
Au moins c'est le présent.
Re:
Vous êtes détonnante Marie. Au sens propre : vous détonnez. Vous faites partie de ceux qui voient toujours les choses avec deux versants. Comme si chaque phrase devait avoir au milieu un "mais". Vous vous réjouissez de la beauté d'une naissance MAIS vous évoquez Linda. Vous convoitez plus d'attention de la part de A MAIS vous semblez (faussement ?) gênée qu'il vous lise. Vous pestez contre l'excès de travail MAIS semblez vous y plonger, etc...
Oups... je ne vous analyse pas MAIS cette fois c'est moi qui craint de ne plus vous lire si vous partez de ce Joueb, ce qui est certainement inéluctable. Je me demande d'ailleurs, ce que j'aurais fait d'un joueb ces dernières années, si j'avais eu la moitié de votre talent pour partager la chronique de mon regard sur la vie.
Ne partez pas maintenant, il y a peu de choses intéressantes à lire sur le Net. Vous êtes une richesse.
Re:
Re:
J'y songerai...
Pour l'instant je laisse mes dessins au "grand public" mais pas mes textes...
Je ne peux laisser lire des gens de ma famille tout ce que j'écris ici...
Et sinon, je viens d'apprendre que je me suis trompée : A n'a pas découvert mon Joueb ! Ouuuuf...
Re:
Je vous comprends, MAIS c'est encore un paradoxe que de vous livrer sur une place publique pour ne pas y être lue.
Ce que je voulais dire est cependant au delà. Vous savez écrire, c'est entendu, mais ça ne suffit pas. A la limite, c'est de la technique : syntaxe, ortographe, grammaire, une bonne dose de culture. Vous maîtrisez, ce serait presque agaçant et pas crédible. Si je vous bassine avec votre talent, c'est parce que vous avez ce petit plus : une sensibilité, un regard... C'est ça votre force, pas dans la maîtrise artificielle - bien qu'exceptionnelle - de la construction des phrases.
J'espère n'être pas trop brusque mais je vous dis les choses comme je le ressens.
Re:
Et oui c'est très paradoxal... Maintenant je suis presque déçue, parce que je m'étais fait à l'idée qu'il savait tout...
Re:
Re:
Re:
Mais je suis nulle quand je ne raconte pas ma vie.
Je ne me vois pas écrire encore ailleurs, tout en continuant d'écrire ici...
Et la célébrité... Pour plus tard ;)
Re:
Re:
C'est déjà beaucoup avec mes études en plus, de nourrir régulièrement deux blogs !!
Re:
Ouh là... Ce n'est pas moi qui vais vous mettre la pression. Cool-zen. Prenez le temps. C'est si précieux.
Je comprends, comme je comprends tout ça. Comme je le vis en ce moment moi aussi Marie. C'est en train de me fermer. Donner tout cet amour à ces gens qui ne savent pas comment le prendre. Alors ils le perdent, où ne veulent l'accepter. C'est comme ça. La vie ressemble parfois à une grande salle d'attente et tu te demandes à quand ton tour. Mais tu verras que si tu feuillettes les magazines sur la table, le temps passera plus vite et tu seras même étonnée d'entendre appeler ton nom si tôt.
"Quand je n'attends rien, je reçois.
Mais quand j'attends, je ne reçois jamais rien. "
Je pense que la sincérité est une énorme qualité. Je crois qu'il ne suffit pas de dire aux gens ce qu'on pense, je crois qu'il faut également être honnête avec soi même et garder la ligne de conduite que l'on s'est fixés. Il faut avoir confiance. La vie est une série de haut et de bas. Si aujourd'hui tu te sens dans un certain bas, alors imagine ce que pourra être le haut.... C'est un haut que tu ne pourras pas éviter. ;)
exvag
Et les oeillères de chacun sont terriblement efficaces.