Il est 19h57 quand je sors du cinéma.
Je suis avec Claire et une amie à elle. Lucie.
Elle est très belle. Très grande. Les cheveux longs et roux.
Trop belle pour être gentille d'ailleurs.
Avant que le film ne commence, Claire l'appelle pour lui demander quand elle arrive, elle dit qu'elle est avec moi, qu'elle veut nous présenter. Et elle répond qu'elle n'a pas envie de me connaître.

Salope.

Avec Claire nous rentrons toutes les deux dans la salle.
À chaque personne qui passe à côté de nous je croise les doigts pour que ce ne soit pas Lucie.
Moi non plus je n'ai aucune envie de la rencontrer.

J'étais assez bouleversée à la fin du film.
La vie des autres.
Je ne m'attendais pas du tout à ce que ce film soit comme ça.
À vrai dire le titre me paraissait trop beau pour que le film soit vraiment bien.
Mais il est mieux que bien.

Claire me propose de faire un saut au club d'escrime, elle a un sac à récupérer.

J'accepte volontiers.

Quand j'entre dans la salle je vois tous ces corps emmaillotés dans du blanc.
J'avale difficilement ma salive.
J'aperçois la charmante petite tête de Jérôme dont les oreilles sont toujours décollées
(je ne vois pas pourquoi ça aurait changé).
Je lui fais un petit signe puis voyant que Claire plaisante avec des types que je ne connais pas je m'avance vers Jérôme.
Il est accroupi en train de mettre une sorte de scotch noir autour du bout des épées.
Je pose ma main droite sur son épaule gauche un peu humide.
-Salut Champion...
Il se retourne, je m'accroupis et l'embrasse.
-Tu reviens sur tes terres ?
-Oui... ça fait du bien...
-Mm.. ça a dû changer un peu quand même...
-Pas tant que ça...

La balle de tennis est toujours pendue à l'escalier.
C'est mon repère et ça l'a toujours été.

Je vois des tas de photos accrochées sur les murs.
Dire que j'aurais pu y figurer si ce putain de genou gauche ne m'avait pas fait défaut.

Les yeux de toutes ces personnes ne m'auraient pas regardé avec tant de mépris et de curiosité.
Ils seraient venus m'embrasser chaleureusement, me faire une blague, plaisanter, me demander des nouvelles.

Quand on repart je fais un clin d'oeil à Jérôme. Je voudrais lui envoyer un bisou du bout de mes doigts mais j'ai trop de trucs dans les bras. Ma veste, mon sac, mon ELLE et mon parapluie.

Quand je quitte Claire qui prend le métro, je me retrouve devant le lycée.
Je vois le CDI.
Bizarre. Cette abrutie de documentaliste n'a pas fermé les stores.
Incompétente jusqu'au bout.

Je ne reste jamais vraiment indifférente quand je vois le CDI.

Une fois de plus j'ai du mal à avaler ma salive.

Il faut que je rentre, que je me dépêche, ILS m'attendent pour manger.

Il fait plutôt beau ce soir.
Mon iPod ne tombe que sur des chansons qui me font penser à Elle.
Je ne veux pas penser à Elle.

Je voudrais le voir.

Mais je sais que si je le croisais je craquerais.
Et peut-être je gâcherais tout.

Mon attention n'était pas une attention cher Prince.
C'était une proposition.
Mais il y en aura d'autres.