C'est en allant chaque jour sur le Joueb de Cio et en remarquant à chaque fois le plaisir avec lequel je regarde les citrouilles qui grimacent sur sa bannière, que je me suis demandée pourquoi j'ai toujours tellement aimé Halloween.

Je pense déjà que la réponse ne sera pas présente dans cet article, et que je ne l'écris pas pour la trouver.
Ce que je vais chercher, en écrivant cela, c'est me replonger dans cet univers que j'aime et qui me rend heureuse.

L'étrange noël de Mister Jack sort en 1994.
Fin 1995, mon oncle Philou, abonné à Canal + depuis que ça existe, l'avait enregistré dès son premier passage.
Depuis que j'ai 5 ans, j'ai donc regardé environ mille fois cet étrange dessin animé.
Je ne m'en suis souvenue qu'il y a deux semaines, lorsque j'ai eu cette subite envie de le regarder de nouveau.

Pourquoi j'aime tant Halloween ?
Parce que je suis un peu Jack, et un peu Sally.
Parce que Jack est fascinant.
Parce que Jack croit en ses rêves.

Parce qu'il est bon à l'intérieur, il est pacifique et tendre, et qu'il aime Halloween dans le sens de la fête. Pas dans le sens de l'horreur. Ou alors si, mais un petit peu.

Pourquoi est-ce que je me sens toujours mieux dans la peau des garçons bordel de merde ?

En 1996, je vais passer des vacances chez mes cousins Edouard et Martin.
Dans leur vidéothèque, Hocus Pocus.
Je regarde ce film plusieurs fois.
J'en suis dingue.

Le couple d'adolescents et la petite soeur, qui se retrouvent dans cette grande maison, pleine de coupes de champagne et de saladiers de bonbons.
Tous ces enfants qui courent partout, déguisés en citrouilles.
Et ces trois sorcières dans leur maison macabre.

Vers 1999, ma série préférée est Les jumelles s'en mêlent, où Ashley et Mary-Kate Olsen sont encore vraiment craquantes.
Evidemment, mon épisode préféré est celui où elles fêtent Halloween chez Carry.
Ambiance de folie. Lumière violette. Chambre où on regarde des films d'horreurs.
Type sans main qui t'ouvre la porte.

Ma tante des USA me parle pas mal d'Halloween, on en parle un peu dans les journaux, mais pas plus que ça.

En primaire, il n'y a qu'une seule fille de ma classe qui connaît cette fête.
On décide de faire quelque chose toutes les deux.
On se déguise et on va faire le tour des boutiques du centre commercial.
On revient avec des sacs entiers, remplis de cadeaux, de bonbons, de fruits.

Quelques années plus tard, c'est Harry Potter qui rend les gens fous.
Le monde de la sorcellerie et des monstres intrigue un peu plus, et tout le monde se met à fêter Halloween.
J'organise une fête sur le thème d'Harry Potter.
Mon père et moi passons l'après-midi à décorer la maison.
Et je me souviens que lorsque ma mère rentre du bureau, elle ne la reconnaît plus.

Il avait changé toutes les ampoules, en vert ou en rouge.
Il avait tendu des toiles d'araignées partout.
Il avait recouvert tous les cadres de visages monstrueux.
Et nous avions poussé la table contre le mur, et l'avions chargée de tas de bonbons et mets de couleurs douteuses.

J'étais aux anges. Le comble.

Pendant quelques années, j'ai vraiment pu profiter.
Je me suis déguisée, je suis allée sonner dans les rues.
On était plein.
Ma soeur, les copines de ma soeur, et puis Laura et Marie. Et parfois d'autres.
C'était génial.
On se retrouvait ensuite, toutes chez la même, et on s'échangeait nos bonbons.

Je me souviens, de toutes ces fêtes.

Celle chez des amis de Laura, au tout début d'Halloween, les meilleurs bonbons que je n'ai jamais mangés.
Et puis celle chez Laura et Marie, il y avait aussi Caroline.
On était dans le jardin avec des bougies, il y avait une ambiance très très spéciale.
La nuit était bleutée. Il y avait vraiment de la magie dans l'air.
Et cette grande fête chez Florent. Avec toute ma classe.

Cette mode n'a malheureusement pas duré.
J'aurais voulu, que ça reste une fête ultra attendue, que tous les enfants trépignent, presque autant qu'en attendant Noël.

J'aurais voulu organiser une fête géante.
Voir défiler des vampires, des sorcières, des frankenstein, des citrouilles, des zombies dans mon salon.

Me mettre en quatre pendant une semaine pour trouver d'affreux cocktails, d'horribles recettes.
Un décor magique.

J'ai toujours été fascinée par la magie.
Quand j'étais petite, j'étais amoureuse de Sylvain Mirouf.
Quand j'étais petite, j'étais souvent amoureuse.

Tout à l'heure, avec Garfu, on regardait mes photos de classe et nous sommes évidemment retombées sur ma photo de CM2, avec François.
Une phrase qui est sortie de ma bouche m'a beaucoup surprise.
Mais si elle est sortie, c'est qu'elle était pensée.

J'ai dit que c'était un amour frustré, que j'y avais cru et que jamais il n'y avait eu d'aboutissement.
Bon faut dire que j'avais 10 ans et que j'attendais déjà des garçons qu'ils me donnent ce qu'Elle m'a donné et ce qu'un garçon ne me donnera certainement jamais.
Mais j'ai aussi dit que si par hasard François me retrouvait et me disait qu'il était amoureux de moi et qu'il voulait partir avec moi, je dirais oui tout de suite.

Folie, inconscience.
Mais la tendresse me ferait faire n'importe quoi.

J'ai toujours aimé me déguiser.
Je ne me suis jamais trouvé ni vraiment belle à s'en taper le cul par terre, ni vraiment moche à en gerber.
Le déguisement c'était une parade.
Je pouvais oser être belle parce que j'étais déguisée.
Mais si on me faisait remarquer que j'étais laide comme un pou, c'était aussi parce que j'étais déguisée.

Ce matin cette connasse de Mme T a dit que si nous avions des problèmes à l'oral, elle nous ferait jouer des pièces de théâtre et chanter dans le hall, alors que plein de gens passeraient et se moqueraient de nous.
Je savais que ce qu'elle disait là me concernait principalement puisque je n'avais pas dégoisé un mot pendant ma simulation d'entretien.
Sauf que j'ai fait trois ans d'expression scénique et n'ai jamais eu aucun problème de timidité, de voix trop basse ou de rougeur pendant les spectacles.
Mais lorsque je me retrouvais en cours, je rougissais.
Et là, maintenant que je dois me taper sa face de rat obèse pendant deux heures tous les mercredis, je recommence à me fermer, comme une huître. Avec le QI en plus.

Je suis capable de tout.
Mais quand j'aime pas, quand je n'ai aucune motivation, alors c'est impossible.

Mais si elle nous fait faire son petit exercice sadique, je sais d'avance que je m'y rendrai avec joie.
Que je l'épaterai, que je ne serai plus la Marie muettasse et gourdasse.
Je ne brillerai peut-être pas.
Mais je jouerai de ma gouaille et de mon insolence.
Et de tous ces trucs que je refoule.
Que je planque.

Parce que ça se fait pas.

J'ai toujours aimé Halloween et j'ai toujours aimé les cirques.
Il y a ce même mélange de joie et de mélancolie.
Les clowns sont irrésistiblement drôles.
Mais ils sont d'une tristesse incommensurable.

Je n'aime pas me maquiller tous les jours, car tous les jours je suis moi-même.
Je n'ai pas besoin de me mettre spécialement en valeur.
Je ne veux pas qu'on m'aime pour la couleur de mon gloss ou pour l'effet que fait le trait noir sous mon oeil.
Je veux qu'on m'aime pour ce que je suis à l'intérieur.
Qu'on m'aime pour mes idées, mes mimiques, et toutes les choses que je ne contrôle pas et qui font de moi ce que je suis.

Cependant, j'aime jouer à être quelqu'un d'autre.
J'aime l'expression scénique pour me mettre à la place des autres.
Et j'aime le maquillage dans des occasions spéciales.
J'aime le maquillage quand il est grandiose.
Je me surprends parfois à mettre du mascara ou du blush lorsqu'il y a une soirée.
Mais je sais que lorsque je rentre, je trouve ça complètement ridicule.

J'aime les traits noirs des clowns.
Ceux qu'ils dessinent, verticaux, sur leurs paupières, et dont le bout recommence en dessous de l'oeil.
Ce qui fait que lorsqu'ils ferment les yeux, les deux traits se rejoignent.

J'aime le faux sourire qu'ils se dessinent.
J'aime le sang qui coule de la bouche des vampires.
J'aime le noir que l'on crayonne sur les dents des sorcières ou des pirates.

J'aime ces personnages, dont on ne connaît vraiment l'origine.
Ces personnages qui au fond, sont tous malheureux, et qui ne trouvent un semblant de raison de vivre qu'en faisant du mal.
Mais lors d'Halloween, ils ne cherchent plus à nuire.
Ils nous enveloppent de leurs apparences et nous poussent à créer ce qu'ils ne peuvent faire eux-mêmes.
Des liens. D'amitié. D'amour.
Quoi de plus beau que la marque du maquillage rouge d'un vampire dans le cou d'une sorcière trop belle ?
Et nous jouons à être eux, à être beaux et laids, terrifiants et attirants, en discutant avec des amis et en se mettant des choses agréables sous la dent.

En parlant de dents, il m'en manquera deux lors du prochain Halloween.
Je voudrais vraiment faire une grande fête.
Mais c'est trop tard.

J'aime les fêtes.
J'aime entendre les coups de sonnette, et voir les gens rentrer.

Pendant les fêtes j'oublie ma solitude.
J'oublie cette attente d'un âge idéal, qui m'exaspère.
Car si ça se trouve, même quand j'aurai 18 ans, le Prince ne voudra pas de moi ?

Cet après-midi, durant ma sieste de quatre heures, il était allongé près de moi sur un tapis.
Il disait qu'il était nul, qu'il était bon à rien.
Je lui disais que non, qu'il était merveilleux.
Je lui disais Je t'aime.
Il se retournait, un peu étonné, un peu ému, et me disais Je t'aime aussi.
Alors je l'embrassais, tendrement sur la joue.

Horgenschlag saw in her a positive cure-all for a gigantic monster of loneliness which had been stalking around his heart since he had come to New-York. Oh, the agony of it ! The agony of standing over Shirley Lester and not being able to bend down and kiss Shirley's parted lips. The inexpressible agony of it !

J.D. Salinger, The Heart of a Broken Story.