J'ai la tête dans le frigo, je prépare le petit dîner espagnol que j'avais prévu pour nous deux.
Je lui ouvre la porte.
Il monte.
On se sourit.
On ne s'embrasse pas.
Ou du moins au moment où il tente de me faire la bise, je m'esquive en lui faisant signe d'entrer.
Je lui fais rapidement visiter l'appartement.
Il met de la musique.
On mange.
J'arrive à parler. De tout de rien.
Je suis contente qu'il soit là.
J'ai du mal à croire que c'est bien lui qui est ici, là, avec moi.
Il est mal à l'aise mais à l'aise quand même.
Je ne réfléchis pas à mon état.
Aucune mauvaise pensée ne vient troubler mon état.
Il ne va pas déjà partir, il est là, il va rester, il est venu pour me voir.
Je lui propose de changer de pièce.
On s'asseoit sur mon lit.
Il me fait écouter de la musique géniale qu'il a apporté.
Le CD est accompagné d'un dvd avec plein d'animations magiques.
Nos épaules se touchent. De plus en plus.
On enlève le dvd pour juste écouter la musique.
Tension dans l'air.
Il me demande si je n'ai pas un deuxième clavier pour qu'on s'écrive, parce que ce serait plus simple.
J'ouvre une page word.
Quelques phrases absurdes.
On dirait un cadavre exquis.
Je lui dis et constate avec délice qu'il ne me demande pas ce que c'est.
Il écrit c'est trop tôt je pense...
Cette phrase m'assombrit soudainement.
Trop tôt.
C'est toujours trop tôt ou trop tard, ce n'est jamais le bon moment, pourquoi ne pas se jeter à l'eau ?
Je me sens paumée, triste, vide.
Je vais aux toilettes, comme pour retourner dans une autre réalité, une réalité dans laquelle il n'est pas, ou du moins où il ne me fait pas souffrir par son incertitude.
Je repense à ses phrases que j'ai bien évidemment prises pour des reproches.
-Tu as des certitudes mais ce sont sûrement de fausses certitudes et tu ne le sais peut-être pas.
Il n'empêche que je préfère mes certitudes.
Je reviens dans la chambre.
Il a éteint la petite lampe.
L'ordinateur nous sépare un peu.
-Tu mets l'ordi à côté ?
Je pose mon mac sur ma chaise de bureau, j'éteins l'écran tout en laissant le CD se terminer.
-Tu viens quand même près de moi... ?
J'enlève mes lunettes, il m'ouvre ses bras, et jusqu'au lendemain matin je ne les quitte plus.
Nuit moite. Tendre et douce. Frustrante mais j'ai l'impression que ça m'est presque égal.
Je ne le ressens pas comme de jour, pas comme quand la lumière est allumée.
Je le sens plus sûr de lui, plus vrai, plus sincère et moins raisonnable.
J'ai l'impression d'entendre des mots doux dans toutes ses caresses, dans tous ses soupirs.
Même si ce n'est qu'une impression.
Tous mes complexes s'en vont les uns après les autres, comme s'il me déshabillait d'eux.
Je me sens bien. Je ne pense même pas à me demander si je suis en train de rêver.
Mes lèvres sont meurtries par ses baisers piquants, mais j'adore ça.
Cela faisait si longtemps que je n'avais pas embrassé quelqu'un comme ça.
Très exactement un an à vrai dire. 8 mai 2007. Le jour où Fredo est mort.
En une nuit, il ose tout ce qu'Elle n'a jamais osé me faire.
J'ai l'impression qu'il est bien plus doué, même si j'ai du mal à me faire à l'idée...
Et même s'il ne va pas jusqu'au bout, même si j'ai l'impression d'être anesthésiée, de ne pas faire les choses dans le bon ordre, même s'il s'arrête, même si ses mains s'en vont brusquement, même si la passion lui vient par sautes dans lesquelles il me serre fort, et m'embrasse, et me dévore comme si ma peau était du pain chaud.
Cela m'est égal. Je suis bien. Je prends ce qui vient. Je ne réfléchis pas.
Je voudrais lui donner aussi mais j'ai l'impression qu'il m'en empêche subtilement.
Il est beau dans la nuit. Je sens son regard, je le vois dans l'obscurité.
Je suis très calme mais je me dis qu'à un moment je vais exploser de joie.
Je n'explose cependant pas.
Est-ce parce que malgré cette jolie nuit, je le sens effrayé ?
Son affection, par bribes, semble sincère et forte.
Elle s'en va et revient. Va et vient dans mon coeur.
Le soleil me réveille.
J'ai l'impression qu'il est au moins 4 heures de l'après-midi alors qu'il est à peine 10h.
Je bouge un peu. Ses bras me cherchent. Il est toujours là.
Trip Fontaine ne serait donc pas parti après avoir obtenu ce qu'il voulait de Lux ?
Mais A n'a pas obtenu ce qu'il voulait. D'ailleurs que voulait-il, s'il voulait quelque chose ?
Il est beau dans son sommeil.
Mon regard d'amour le magnifie.
Je me rendors et me réveille encore.
J'ai trop chaud, je suis moite et nue.
Je me rends compte que la tringle à rideaux est tombée. Ça faisait longtemps...
Je me rendors encore puis me réveille.
Il sort enfin de son sommeil.
Il sourit, il se cache derrière l'oreiller puis sourit encore.
L'amour me tord le ventre mais chut.
Il se met sur moi.
Le désir me dévore toute entière. Des pieds à la tête.
Il m'embrasse, me caresse, m'embrasse puis se relève brutalement.
-Faut se lever !
Il me rend mes habits, pris en otage de l'autre côté du lit.
On va dans la cuisine, Garfu nous rejoint.
Elle nous fait rire, elle est détendue, elle est drôle.
Je me sens bien aussi. Ensoleillée.
J'ai Tu verras Tu verras dans la tête.
Je me sens rayée de soleil.
Je fais la vaisselle.
A prend des photos.
Je voudrais qu'il vienne se serrer contre moi, qu'il vienne me déconcentrer, mais il ne le fait pas.
Il me dit juste que ma robe est vraiment parfaite.
Je prends une douche.
On sort se balader.
On marche jusqu'à la plage.
Le soleil tape fort.
On s'allonge sur les cailloux. "Galets" pour les romantiques.
-Tu sais, pour en revenir un peu à la discussion d'hier, je me sens quand plus mal à l'aise qu'à l'aise...
Ces mots me glacent et m'assombrissent de nouveau.
Je voudrais tellement qu'il soit bien.
Au bout d'un long moment il me propose de me servir d'oreiller.
Je me serre contre lui.
Je sens une profonde tristesse se réveiller en moi.
On quitte la plage.
Il achète deux milk-shake.
Je l'emmène voir mon pont. Celui sur lequel nous avons tourné le court-métrage.
Je l'attire contre moi. Je le sens m'échapper. Il est contre moi et pourtant il n'est plus là.
-Je devrais être en train de te croquer, de te faire des bisous... Mais je ne le fais pas.
-Pourquoi ? Je ne te plais pas ? Ce n'est pas ce que tu attendais ?
On rentre.
Le soleil lui a donné mal à la tête.
Il se rend compte que ses lunettes ne sont plus dans sa poche.
Perdues.
Je lui dis qu'il a raison de ne pas vouloir m'aimer ni de ne pas vouloir s'attacher à moi vu que je lui porte la poisse.
On s'allonge sur mon lit.
Je suis horriblement triste.
-On est plus dans une histoire d'amitié forte que dans une histoire d'amour...
-C'est ton point de vue...
-Tu sais c'est pas grave si ça ne va pas plus loin...
-Ben si... Pour moi c'est un peu grave quand même.
-Je suis bien mais je ne suis pas heureux. Et tu pourras faire n'importe quoi, ça ne changera pas.
-Tu n'es pas heureux avec moi ou tu n'es pas heureux tout court ?
-Hmm.
-Je ne veux pas continuer dans un truc auquel je ne crois pas.
-Mais si tu n'y crois pas, pourquoi t'es venu ?
-Pour être sûr.
-Et là tu es sûr ?
-Oui.
Je lâche sa main.
Qu'il s'en aille ou bien qu'il me serre fort dans ses bras pour me dire que ce n'est pas vrai.
-Pourquoi tu t'interdis d'être heureux ?
J'ai froid.
Il a mal à la tête.
Il s'endort.
Il ronfle.
Je pleure.
Je me glisse sous la couette.
Ça le réveille et il pose sa main, dépourvue de caresses, sur moi.
Puis il se rendort et ronfle de nouveau.
La tristesse me paralyse toute entière. Je ne peux plus bouger.
Il se réveille.
-Je vais y aller...
-Non...
-Bon...
Il reste une vingtaine de minutes de plus. Silencieux. Les yeux fermés.
Il reste encore un peu et pourtant il est déjà parti.
Il n'est plus là, il n'est plus avec moi.
Il m'a échappé, je n'ai pas su le retenir.
Il se lève, prend ses sacs, me tend la main pour m'aider à me lever.
Je me serre dans ses bras, devant la porte.
Il m'embrasse sur la joue puis ouvre la porte.
Il commence à descendre l'escalier, sans se retourner.
Je referme la porte et vais m'écrouler sur mon lit.
Je sens un profond désespoir me guetter.
Je pense très sérieusement à avaler tous les comprimés qui sont sur mon bureau.
Il n'y croit pas.
C'est donc fini.
Et son à bientôt sonnait aussi faux que celui du Prince sonnait vrai lorsqu'il a cessé de me serrer dans ses bras, ce dernier samedi de 2007.
Je ne le verrai plus.
Il n'y croit pas.
Il est tellement bien installé dans son malheur que le bonheur lui fait peur.
Il est tellement habitué à avoir mal que c'est l'amour qui le blesse.
Il est tellement mal que c'est moi qui souffre.
J'entends la sonnette chez les voisins.
Je voudrais qu'il revienne. Comme dans les films.
Qu'il se rende compte qu'il laisse passer une belle chance de se faire aimer.
Tous mes doutes se réveillent alors. Car moi aussi j'en ai. Évidemment que j'en ai.
Mais si on veut être un peu heureux, il faut savoir les foutre au placard, au bon moment.
Et j'estime que ce n'est pas me mentir.
Quand je me réveille il est 22h30.
Je file m'allonger à côté de Garfu.
Je suis rouge comme une écrevisse.
Je lui raconte par bribes.
Elle me redonne l'espoir que j'avais complètement perdu de vue.
Rayé de la carte.
Elle me dit qu'il a peur, qu'il a la trouille, qu'il va rentrer chez lui, retrouver ses repères, continuer sa vie et se rendre compte de l'énormité de sa connerie. Et qu'alors il va revenir. Qu'il ne peut pas faire autrement.
Qu'on ne peut essayer d'échapper au bonheur comme ça. Surtout pas à celui que je lui offre.
-Tu donnes tellement et tu te donnes tellement, c'est normal que tu te prennes une claque.
Ne dis pas que tu n'as plus d'espoir, tu n'as le droit. De ma petite vie, et de tous les gens que je connaisse, tu es la personne qui a le plus d'espoir de toute la Terre.
Tu seras heureuse, c'est évident. Tu seras heureuse parce que tu le mérites et parce que tu le veux.
Je m'inquiète beaucoup plus pour lui que pour toi.
"Vous voulez être heureux ?
Soyez-le".
Entends ça, pitoyable petit homme que tu es.
Pitoyable petit homme que j'aime déjà bien trop.
Commentaires :
Re:
Mais je sais déjà qu'il ne reviendra pas sur sa décision.
Sa seule différence avec le Prince c'est que lui, c'est un salaud.
Pas d'analyse à deux balles, pas d'explication mais votre article me rend triste Marie. "A a l'air d'un gentleman et vous n'êtes qu'amour à donner. Alors pourquoi... pourquoi ? Tout colle mais ça n'adhére pas. La peur ?? Pourquoi... pourquoi ?
Je ne veux pas vous voler votre article ni trouver d'excuse, mais voyez vous j'ai une amie qui m'est proche... elle est profondément amoureuse de moi. Mais pas moi. C'est horrible. Pourtant tout devrait coller. Quelle est cette alchimie qui manque ?
Merci pour le courage de votre témoignage, et pardon d'être désarmé à ne pouvoir vous apporter une piste de solution.
Re:
On se plaît et pourtant, je ressens le frisson mais pas lui.
Je crains cependant pour lui qu'il ne le ressente jamais plus.
Je suis souvent d'accord avec vous mais là quelque chose me saute aux yeux de fausseté.
A n'est pas un gentleman.
Un gentleman est sincère.
Lui ne l'a pas été.
Re:
C'est la limite de l'exercice. La sincérité se mesure (sans doute) essentiellement les yeux dans les yeux. Personnellement je déteste la tricherie dans les relations humaines. Je crois que si on est sincère il n'y a pas de tabou qui tienne. Il ne faut pas toujours tourner autour du pot.
Restez vous Marie... Je ne sais que dire d'autre que cette remarque un peu mièvre.
Re:
Je dis trop ce que je pense.
Je dis trop ce que je ressens.
Cela fait peur aux gens qui m'entourent.
Ce n'est pas séduisant.
Tourner autour du pot m'emmerde (pardonnez l'expression) profondément.
Je veux aller droit au but. Être spontanée.
J'aime ? Et bien je le dis, j'exécute mon amour, je le prouve, tout de suite.
Mais apparemment je suis la seule à faire ça.
Apparemment ce n'est pas ça, le jeu de la séduction.
Seulement je déteste les jeux et je déteste aussi la séduction.
Re:
Non
Non
Non
Non
Et RE-NON
C'est tout ce qui est bien chez vous. "Emmerdez" les tournages autour des pots (de chambre), et croyez à la séduction qui n'a rien d'un jeu - sinon vous ne seriez pas terriblement séduisante - et n'hésitez pas à vous plonger tout entière dans l'océan de la vie au mépris des règles de convenance.
Détestez, détestez encore ce qui est conventionnel...
Re:
Mais malheureusement il y en a toujours, même des conventions qu'on se fixe inconsciemment.
Aimer un homme est, pour moi, déjà une convention.
Re:
Re:
Cet "A." est une personne blessée alors ne le juge pas mal. Il est plus à plaindre qu'à conspuer. Après tout, moi, je préfère souffrir d'amour que de ne plus aimer.
aie confiance en ton avenir, Garfu a raison... comme toujours ;)
Re:
Re:
Sinon me porter chance ;)
Mais c'est déjà gentil de penser à me mettre un petit mot de temps en temps
Re:
Mais là j'ai juste cru un instant que j'allais avoir un répit à la douleur !
Encore une fois, j'avais tort !
Re:
Re:
Mais j'ai souvent l'impression que ce chemin vers les hommes n'est pas le bon, et que je le prends juste pour faire plaisir/rassurer mes parents homophobes...
J'ai depuis peu une vision "sans futur" des relations homosexuelles ce qui est tout à fait idiot et je m'en suis rendu compte il y a déjà longtemps, mais j'ai peur que ce soient mes parents qui m'aient mis cette idée en tête...
Je suis bien triste...
J'ai ses caresses tatouées sur la peau.
Je me souviens de la sienne, de son corps.
Argh.
Ça me prend à la gorge.
Re:
Re:
Je remets cependant toujours mon rapport à l'homme en question. Je ne peux pas ne pas y penser, je n'y arrive pas. Cette expérience était un cap à passer, enfin c'est comme ça que je l'ai ressenti, et si je refoulais certains doutes, ils faisaient allusion à cela.
Où vais-je, que me faut-il, de quoi ai-je besoin ?
Comment ai-je vraiment vécu tout cela ?
Me suis-je forcée ? Est-ce que c'était naturel ?
Au final je répondrais "pas vraiment". Mais peut-être que mon point de vue actuel est faussé par la déception qui a suivi...
Tu sais moi je me forcerais bien, je serais frustrée, je me laisserais heurter... Si on me laissait aimer !
Ces réactions à chaud sont toujours très "dans l'extrême", mais c'est important pour mon évolution de les écrire, de les graver, même si elles sont cruelles et sans pitié. Quand je me relirai d'ici quelques temps, je me remettrai en question... Le simple fait de l'écrire est déjà le début de la remise en question, et vos réactions à tous m'aident à sortir de ma subjectivité.
J'adore ça.
Re:
J'aimerais tant pouvoir te dire quelque chose de réconfortant, mais tout a déjà un peu été dit, je n'ai pas pu te lire plus tôt et je me sens coupable à présent.
Je suis de tout coeur avec toi, et disponible pour parler quand tu veux, je regrette de ne pas pouvoir faire plus...
Re:
Les seuls qui pourraient dire ou faire quelque chose sont A ou moi.
Lui revenir, moi l'oublier.
Tu as quand même une forte aspiration intérieure, je te souhaite de bien développer tes moyens artistiques, cela t'aidera à trouver l'équilibre pour vivre. Préserve ton idéal autant que ta personnalité. Ne perds pas courage. Ton amie Garfu semble être une perle pour toi. Bises à toi Marie qui a la chance de voir la mer !
Re:
Si la normalité est de souffrir, d'être seule et déçue alors oui, ma vie se passe normalement :)
MangakaDine
Et puis quand même, Garfu a vachement raison.