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Tout arrive

Après vous avoir raconté depuis plus de trois ans mes malheurs, mes petits et grands drames quotidiens, mes souffrances morales, mes souvenirs, difficile de raconter soudainement du bonheur. Comment raconte-t-on le bonheur ? Aucun livre ne traite de bonheur du début à la fin. La vie non plus à vrai dire. Et pourtant. Même s’il m’arrive toujours de me sentir grise, même si des larmes coulent toujours sur ou sous mes joues, même si je fais quand même la gueule à cause d’une parole acide, d’un raté, même s’il y a toujours des trucs qui foirent, des maux de tête, de ventre, de dos, de la fatigue, des trucs qui stressent, des trucs qui viennent me claquer des gifles sur ma peau rougie d’un coup, je suis heureuse.

Quand j’étais dans l’attente de jours meilleurs, j’avais aussi du travail, des textes à analyser, des exercices à faire. Mais les moments que l’on se consacre à soi, à tenter de se sentir bien, à caresser la couette blanche du bout de son pied, à se pelotonner contre son oreiller ou contre son ordinateur, à écrire pendant de longues heures les mots d’amour qui n’iront jamais se lover dans le creux de l’oreille de celui qui ne voudra jamais de nos bras de velours, ces moments-là je ne les passe plus à taper frénétiquement sur mon clavier. Je les passe contre la peau de cet homme merveilleux, la main sur nuque nue et douce, la bouche près de ses lèvres épaisses et tendres. Il est si beau là, devant moi. Je m’extasie silencieusement de son profil. Je ne pourrais plus m’en passer. Comment une femme n’a-t-elle pas bataillé, avant moi, pour garder tout contre elle cet homme-là, cette pierre précieuse, ce concentré de tendresse et de compréhension, cet amour incarné. Je ne comprends pas… Mais j’ai de la chance. La chance d’être celle-là, je l’espère.

 Alors je me demande, juste pour m’amuser, si je suis tombée sur la perle rare ou bien si toutes ces filles qui passent leurs journées à dire du mal de leurs copains se plantent royalement, faute de sensibilité ou bien d’indulgence. Je n’ai pas l’impression d’en être particulièrement munie, moi, d’indulgence. Du moins pas plus qu’une autre. Mais avec Eric je n’ai pas besoin de faire appel à ce genre de sentiment. Je n’ai que l’amour et je n’ai pas besoin de l’appeler. Il vient tout seul. Et c’est de plus en plus beau, de jour en jour.

Les journées sont longues jusqu’au soir où la tranquillité nous réunit enfin, et pourtant il est tout près, dans son bureau, à quelques mètres de la classe dans laquelle je suis en cours.

J’ai été très surprise et très émue des réactions des personnes de ma classe. Je ne m’attendais pas à de mauvaises réactions, pas à des regards lourds de jugements mais… Mais pas à une telle bienveillance.

Mais forcément, quand tout se passe bien, LE truc qui passe mal nous saute aux yeux. Parce qu’il fallait bien qu’il y ait une exception :

L’autre midi, je discutais tranquillement du futur film que nous allons tenter de réaliser avec Frédéric quand il m’a murmuré de ce ton grinçant que je supporte mal :

-Et tu sais ce que tu vas faire l’année prochaine ?
-Tu le sais bien… Je voudrais partir pour Malaga. Un an. C’est mon rêve.

-Oui… Malaga. Mais Éric ? Il est d’accord ?
-Je ne peux pas te dire que ça le réjouit. Mais on y est pas...

-Il va venir avec toi à Malaga. C’est évident.

-Ben euh non pas forcément. Tout lui sourit au Havre. Pourquoi il viendrait avec moi, alors qu’il ne parle pas un mot d’espagnol, alors que ce n’est pas du tout son rêve à lui ?

-Enfin bon. Tu es un peu fofolle quand même.
-Fofolle ? Attends, ça veut dire quoi ça ?

-Bah tu sais très bien.

-QUOI ?
-Il va s’attacher.

-Mais qu’est-ce que tu crois ? Il est DÉJÀ très attaché. ET MOI AUSSI. C’est très sérieux, Frédéric.
-Mais oui, c’est ça. Tu sais très bien que tu vas lui faire du mal.
-Mais comment oses-tu…
-Tu sais mieux que moi que ça ne durera pas. Ni jusqu’à la fin de l’année, ni jusque dans 10 ans.
-Mais qu’est-ce que tu en sais ? Hein ?

J’éteins l’iMac sur lequel j’étais en train de travailler, me lève et range furieusement mes affaires dans mon sac à dos.

-On s’en va ?
-Non, c’est MOI qui m’en vais. Je ne veux entendre des trucs pareils. Je ne veux plus t’entendre.

Je n’ai pu digérer ses paroles de toute la journée.
Jusqu’à ce qu’Éric me regarde avec douceur le soir, pendant le dîner, et me dise :

-Je ne suis pas attaché. Je suis dingue. Dingue de toi.
 
Tout le sang de mon corps m’est monté à la tête et je suis devenue écarlate.
J’ai pris sa main, et puis me suis levée et l’ai serré très fort contre moi. Sa tête contre mon ventre. Ce que je préfère.
Parmi toutes les autres choses que je préfère.
 
Deux jours après, j’ai reçu un texto de Frédéric qui s’excusait.
Ouf.
Je n’aurais pas aimé avoir l’impression d’être en tort en n’acceptant pas une pensée contraire à la mienne.

Encore et encore je me suis confrontée au mot « ami » que j’ai du mal à supporter. J’ai compris que ce n’était vraiment qu’un problème de vocabulaire, ou du moins de sens. Je crois pouvoir dire que cela fait des années que je me plante royalement. Je n’ai pas bien compris. J’ai donné un autre sens à ce mot et j’en paye un peu les conséquences. La déception. Qui ne devrait pas exister ou en tout cas un peu moins que si je ne m’étais pas trompée.

Il y a peu, je me suis encore répété que j’avais été bien naïve de croire que je pouvais croire en l’amitié. Que je préfèrais la famille maintenant, le hasard, l’amour bien sûr, et ces personnes inqualifiables parce qu’elles comptent éperdument dans mon cœur, parce qu’elles m’apportent de l’or sans que je le demande, même si ce n’est que trois fois par an.
 
Et c’est là que je me suis trompée, lorsque je me suis dit « ces personnes sont mes amies, ces autres sont inqualifiables ». J’aurais peut-être dû me dire « ces personnes sont ces connaissances, des éphémères, je me suis confiée à elles aujourd’hui mais demain elles ne me salueront pas car elles auront oublié mon prénom. Mais ces autres sont des amies. Même si elles sont trois en tout ».
 
Je me considère comme une amie pitoyable. Une terrible égoïste. J’ai bien souvent préféré vous sourire à vous, me confier à vous, vous donner à vous ou à mes lecteurs de l’autre blog que de rendre service aux personnes que je voyais tous les jours. J’avais clamé partout que lorsque je rencontrerai enfin la personne à qui donner tout mon amour, je ne serai plus là pour les autres. Plus envie de faire des efforts vains.
 
Ma mère répète à longueur de journée « J’ai 46 ans, je ne vais pas continuer à me faire chier avec des cons, avec des personnes qui ne font jamais d’efforts, qui ne répondent jamais aux miens ».
 
Je n’ai que 18 ans, je me sens fréquemment très bête d’écrire comme ça des phrases et des phrases avec ces idées bien trop grandes pour moi, bien trop bourrées de certitudes. Et pourtant j’ai bien 18 ans, je suis à peine une adulte pour la plupart des gens mais je n’ai pas envie de me bousiller le cœur avec des personnes qui ne le méritent pas.
 
J’ai discuté un petit moment avec Christine l’autre matin. Elle m’a parlé brièvement de ces rumeurs qui pourrissaient l’ambiance du lycée, ces histoires si puériles et malsaines.
 
Je me suis sentie à la fois très légère et très méprisante d’être fière d’avoir quitté ce monde-là.
 
Non à vrai dire, c’est des conneries de dire que je suis fière de l’avoir quitté : j’étais bien obligée. Je n’allais pas redoubler ma terminale à l’infini.
Mais la nuance c’est que la plupart des autres sont revenus. Et c’est de ça dont je suis fière : n’être pas revenue.

Christine m’avait dit de couper le cordon. C’est ce que j’ai fait. Peut-être aussi que la distance m’a aidée. Peut-être que l’ignorance suprême du Prince aussi, me laissant définitivement sans nouvelles de cette planète-là. Christine c’est autre chose. Elle est comme la moitié de moi-même. Elle n’est pas une des profs de français du lycée. Elle n’est pas la prof d’expression scénique.

Elle est tout cela, certes, mais plus pour moi. Elle est bien plus.

La vie est une éternelle remise en question. Tu te crois enfin sûr de quelque chose, tu te jures de ne plus te faire avoir, de ne plus céder à cette personne, de ne plus t’attendrir devant elle parce qu’elle tente de te détruire chaque année depuis que tu la connais, soit seize ans. Et puis là le cerveau de son père, qui est aussi le parrain de ta sœur, se remplit de sang suite à un infarctus, et le paralyse peut-être pour toujours. Alors ton cœur et tes yeux pleurent parce que le passé te repasse sous le nez, avec un filtre orangé, la musique et vos gambettes qui courent, au ralenti, dans les herbes folles du jardin de tes grands-parents. Parce que son père est profondément gentil, parce qu’il t’a toujours défendue, parce que son choix de vie te touche un peu plus que les choix des autres, parce qu’il ne peut que te comprendre.


Ce week-end, grande fête dans le Vexin pour les 10 ans de ma petite cousine. Presque toute la famille était là. J’en ai profité pour leur présenter Eric, qu’ils ont accueilli chaleureusement.

Chaque moment était beau, je me sentais bien au milieu de la smala et près de mon amoureux, pouvant voguer de l’un à l’autre en me déplaçant d’un ou deux mètres.  

Il ne faisait pas très beau mais les feuilles rousses qui tapissaient le sol que l’on voyait à travers la baie vitrée m’enthousiasmaient. J’ai toujours aimé l’automne. C’est une saison qui me porte, qui me parle. Et les citrouilles à la fin du mois… Si quelqu’un veut encore bien se déguiser en sorcière avec moi.

Mais le moment que je garderai sûrement gravé très profondément, dans mon cœur comme dans mon corps, c’est le moment où j’ai demandé à Emilie si je pouvais prendre un peu Liam dans mes bras pour le bercer. Liam est mon petit cousin, je ne l’avais pas revu depuis ma semaine à Epône, la semaine qui avait suivi sa naissance, il y a deux mois et demi.

Elle me l’a confié avec beaucoup de tendresse et de précaution, comme si c’était un immense privilège, et ça l’était, certainement.

Je vous ai déjà dit que je ressens Liam plus que les autres bébés. La vie est toujours émouvante, surtout lorsqu’elle commence, aussi jolie, aussi douce, aussi simple. Mais Liam me fait cet effet puissance dix mille. Il m’émeut aux larmes et plus encore.

Lorsque j’ai senti son poids dans mes bras, sa chaleur sur moi, mon cœur s’est mis à battre la chamade et ne s’est pas arrêté jusqu’à ce qu’il s’endorme et qu’Emilie le reprenne pour aller le mettre dans son couffin.

Deux mois et demi ça me semble déjà énormément. Je n’aime pas les gens qui méprisent les jeunes, qui méprisent tous ceux qui n’ont pas au moins 35 ou 40 ans. Les autres ne connaissent rien de la vie, voilà ce qu’ils pensent.

Et bien que les profs de philo et Amélie Nothomb disent à qui veut l’entendre qu’à deux mois on est qu’un tube inconscient et amorphe dans laquelle la nourriture passe, comme un train. Je vois mon petit Liam sourire jusqu’aux oreilles en regardant ses parents et je suis persuadée qu’il en sait bien plus que tous ces cons. Même si eux aussi ont un jour éclaté de rire parce qu’on leur gratouillait le ventre ou parce qu’on agitait une girafe en plastique devant leur nez.

Je suis pleine de contradictions, pleine d’idées qui ne tiennent pas debout. Mais Liam est beau et encore une fois, il me pousse à ne voir que de la beauté partout où je regarde.


Comme ça me fait plaisir de vous écrire :)


Ecrit par inconsciente, le Lundi 6 Octobre 2008, 08:58 dans la rubrique Aujourd'hui.

Commentaires :

ecilora
ecilora
06-10-08 à 20:08

Et enfin, te revoila. Cà me fait plaisir aussi de te revoir par ici. Alors ne traîne pas tant pour le prochain. Je suis ravie de voir que tu es bien... :)

 
aphone
aphone
08-10-08 à 15:54

Mais ... !!!

C'est dingue : moi qui m'attendait à lire des pages et des pages de récit (non lu pendant mon absence ici) je me rends compte que tu n'as pas plus écrit que moi ! Que se passe-t-il ? Tu flottes sur ton petit nuage ? Tu as l'air vraiment heureuse avec Eric =) et tu as toujours autant de mal à supporter ton âge =p

Je t'embrasse !


 
Pitseleh
Pitseleh
03-11-08 à 14:50

Et comme ça me fait plaisir de te lire. =)
Ça faisait longtemps que je n'étais pas passée, et tes mots m'apaisent. Je me sens heureuse de lire autant de bonheur dans ta vie. Le temps a passé et les choses changent. J'ai loupé quelques épisodes...
Le passage du petit cousin m'a rappellé mon neveu et filleul, qui a tout juste quatre mois. C'est vrai que ça fait quelque chose et qu'il est inconcevable de partager le point de vue philosophique lorsque l'on a ce petit être qui gazouille et qui sourit. J'ai longtemps été insensible à leur charme, mais une fois encore les choses changent.

Je repasserai.